Alex Newman rappelle qui est Poutine à l’occasion de son entretien avec Tucker Carlson

Newman Poutine Tucker Carlson
 

On a fait grand cas du premier entretien, vendredi soir, de Vladimir Poutine avec un journaliste occidental, l’Américain Tucker Carlson, depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 (il faut préciser que Poutine avait rejeté toutes les autres demandes d’interview en provenance de l’Occident). L’ex-journaliste de CNN n’a pas mené une conversation particulièrement agressive, laissant au contraire le président russe d’engager dans un « tunnel » de plus d’une demi-heure pour exposer l’histoire de son pays depuis le 9e siècle, que Carlson ne maîtrisait évidemment pas, et évitant dans l’ensemble les questions difficiles. Ainsi, lors du long réquisitoire de Poutine contre le « nazisme » en Ukraine, le président russe évoquait un pacte entre Hitler et la Pologne permettant à cette dernière de récupérer une partie de la Tchécoslovaquie au nom du pacte Molotov-Ribbentrop (!), et l’accusant en outre d’avoir « forcé » Hitler à envahir la Pologne en refusant à l’Allemagne de récupérer Gdansk. Pas un mot, en revanche, de l’entente entre l’URSS et l’Allemagne nazie qui s’accordaient dans ce pacte sur le partage de la Pologne entre elles deux, ni sur le traité de Rapallo, que tous semblent avoir oublié… Carlson n’a pas réagi. Il n’a pas réagi aux accusations de Poutine concernant la présence de groupes de « mercenaires » polonais, américains et autres aux côtés des Ukrainiens en demandant ce qu’il en était de feu le groupe Wagner, clairement inspiré du nazisme et travaillant au profit de la Russie.

 

Dommage que Newman n’ait pu assister à l’entretien Poutine-Tucker Carlson…

Alex Newman propose un commentaire de l’entretien dont nous vous proposons d’ores et déjà une retranscription-traduction quasi-complète. Elle offre un angle original en ce qu’elle dépasse la question de l’opposition entre la Russie – et ses alliés – et l’Occident, pour l’inscrire dans la logique d’une marche commune vers le « nouvel ordre multipolaire » mondial. Nouvel ordre, faut-il préciser, qui tend vers le socialisme international et la spiritualité globale, comme nous le montrons souvent ici sur reinformation.tv.

Nous ajouterons à ce sujet qu’au cours de l’entretien, Poutine a souligné que l’orthodoxie russe avait toujours « été très loyale à l’égard des peuples professant d’autres religions » lorsque la Russie a « absorbé d’autres nations qui professent l’islam, le bouddhisme et le judaïsme ». Et d’ajouter : « Cela est absolument clair. Et le fait est que les principaux postulats, les principales valeurs sont très similaires, pour ne pas dire les mêmes, dans toutes les religions du monde que je viens de mentionner, et qui sont les religions traditionnelles de la Fédération russe, de la Russie. »

Alex Newman de The New American attire par ailleurs l’attention dans sa video, « La vérité sur Poutine », sur les avertissements d’Anatoly Golitsyn, qui annonçait dès le début des années 1980 la chute de l’URSS, l’apparente libéralisation de la Russie et son rapprochement avec l’Occident, en attendant la nouvelle « Révolution d’octobre » communiste qui s’accomplirait à travers un Nouvel Ordre Mondial.

Voici donc cette retranscription.

 

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Pour comprendre Poutine, je pense qu’il faut avant tout comprendre qu’il est une créature du KGB. Pour ceux d’entre vous qui ne le connaissent pas, c’est l’une des organisations les plus impitoyables qui aient jamais existé sur la planète. Ils pratiquaient l’assassinat. Ils utilisaient le meurtre. Ils recouraient à la torture. Ils persécutaient impitoyablement les dissidents. Ils se sont relayés pour réprimer les chrétiens, les persécuter ou tenter d’éliminer l’Eglise, avec un certain succès. En Russie, même aujourd’hui, l’Eglise orthodoxe russe est remplie d’anciens agents du KGB jusqu’au plus haut niveau, y compris le patriarche Kirill. D’innombrables preuves suggèrent qu’il était officier du KGB.

Je pense qu’Anatoly Golitsyn a été l’un des plus importants transfuges de l’Union soviétique à se rendre dans le monde occidental. C’était bien avant l’effondrement de l’Union soviétique. Il a publié quelques livres au début des années 1980, mais le gouvernement fédéral ne voulait pas le prendre au sérieux. Il affirmait que les Soviétiques planifiaient une stratégie de duperie à très long terme, dans le cadre de laquelle ils provoqueraient un faux effondrement du communisme. Ils diraient au monde que le communisme s’était effondré, mais dans les coulisses, les communistes resteraient aux commandes. Les officiers du KGB, les apparatchiks du Parti communiste, deviendraient des hommes d’affaires, des oligarques et des politiciens.

Et bien sûr, c’est exactement ce qui s’est passé, non seulement en Russie, mais aussi en Bulgarie, en Roumanie, et dans beaucoup d’anciennes nations communistes qui se trouvaient derrière le rideau de fer. C’est indiscutable, n’est-ce pas ?

 

Les ex-Soviétiques sont aujourd’hui les « intimes de Poutine »

Lorsque le régime nazi est tombé, les nazis ont été jugés. Ils ont été exécutés très nombreux pour crimes de guerre : pour des meurtres de masse. Que s’est-il passé lors de la chute de l’Union soviétique ? Combien de personnes ont été jugées pour meurtres de masse, pour torture, pour les dizaines de millions de personnes qui ont été brutalement massacrées ? Aucune, n’est-ce pas ? Au lieu de cela, ils se sont réincarnés en sociaux-démocrates et en hommes d’affaires. Ils ont récupéré des actifs appartenant à l’Etat pour quelques centimes. Nombre d’entre eux sont encore aujourd’hui des intimes de Poutine.

Poutine se présente également comme le grand défenseur du christianisme, le défenseur de la civilisation chrétienne. Et il dit certainement des choses avec lesquelles beaucoup de conservateurs américains et du monde entier sont d’accord. Il souligne que l’Occident est devenu moralement dégénéré et il a tout à fait raison. Il souligne la guerre contre la famille. Il souligne la guerre contre le christianisme. Il évoque les moqueries à l’égard du mariage, les défilés de la fierté homosexuelle qui ciblent les enfants. Et bien sûr, beaucoup de gens en Occident sont d’accord avec lui sur ce point, ou du moins sur les sentiments qu’il professe publiquement.

Mais en ce qui concerne son christianisme – et bien sûr nous ne pouvons pas juger de sa foi, ce n’est pas notre rôle – il a dit des choses vraiment intéressantes qui, je pense, devraient nous amener à nous arrêter et à réfléchir.

 

Poutine et le christianisme

Il a notamment déclaré que le communisme était en fait très similaire au christianisme. C’est intéressant. Voici la citation directe : « L’idéologie communiste est très proche du christianisme. En fait, la liberté, l’égalité, la fraternité, la justice, tout est décrit dans les Saintes Ecritures. Tout y est. » Il a tenu ces propos lors d’une interview pour un documentaire russe intitulé « Valam » [commentée ici sur reinformation.tv]. Certaines séquences ont d’ailleurs été diffusées sur la chaîne de télévision Russia One, qui appartient au Kremlin. Il dit : « Dans le code du bâtisseur du communisme, c’est la sublimation. Il s’agit d’un extrait primitif de la Bible. Rien de nouveau n’a été inventé. »

Je ne suis pas théologien, mais je peux vous dire que le communisme et le christianisme ne sont pas très semblables.

En fait, ils sont quasiment opposés à tous égards. Il est vraiment étonnant que l’on puisse prétendre que le christianisme et le communisme se ressemblent. Le christianisme croit au pardon et à l’amour. Le communisme croit à la haine et aux massacres, et c’est ce qui s’est passé partout.

Ils prétendent vouloir l’égalité, mais en réalité, ce dont ils parlent, c’est de vol et d’envie, non ? Ce type a plus que vous, vous devez donc l’envier et le voler ; c’est une violation flagrante de l’enseignement de la Bible : tu ne voleras pas. Remarquez qu’il n’y a pas d’excuse pour le fait que ce type a plus que moi, et qu’il serait donc acceptable de le voler. Le communisme n’est donc pas très proche du christianisme.

Malheureusement, c’est un point de vue qui a été publiquement exprimé par Poutine.

Ensuite, il y a l’affirmation selon laquelle Poutine est un nationaliste : il défend l’Etat-nation contre les forces mondialistes de l’ordre mondial.

Examinons cela brièvement. La Russie, bien sûr, est un acteur essentiel des BRICS. Et si vous regardez les déclarations des gouvernements des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), elles sont tout à fait conformes à la vision mondialiste du Nouvel Ordre Mondial promue par les mondialistes occidentaux.

Ils appellent à une monnaie mondiale. Ils appellent au renforcement des Nations unies. Ils demandent que les relations internationales soient menées sur la base de la charte de l’ONU. Ils appellent à la régionalisation.

Chacun des gouvernements des BRICS est en fait le point d’ancrage de son union régionale respective. Et par union régionale, j’entends l’Union européenne, l’Union africaine, et Poutine est en train de construire sa propre Union eurasienne.

Bien entendu, il est présenté comme l’ennemi de l’ordre mondial libéral dirigé par l’Occident, de l’ordre international libéral. Mais ils savent depuis longtemps que le conflit est le moyen le plus rapide de faire avancer leur programme. C’est le processus dialectique. Vous avez la thèse, l’antithèse, puis vous obtenez la synthèse, qui est ce que vous recherchiez depuis le début. Ainsi, des Américains et des Occidentaux regardent Poutine, regardent la Russie et disent : « C’est super, il est chrétien, il défend les valeurs traditionnelles. » Ensuite, il y a un groupe de personnes en Russie qui regardent l’Occident et qui disent : « Ouah, ils ont des élections libres, ils ont une liberté d’expression relative. Ils peuvent défiler dans la rue, nus, devant des enfants, lors de parades de la fierté. J’aimerais que nous leur ressemblions davantage. »

Nous assistons donc à cette stratégie de longue date dont parlait Anatoly Golitsyne : cette convergence de l’Est et de l’Ouest. Feu Henry Kissinger, qui était en fait très proche de Vladimir Poutine, en parle dans son autobiographie. Kissinger a reçu de nombreuses récompenses de la part de Poutine et ils avaient l’habitude de dîner l’un chez l’autre : ces deux hommes étaient amis comme deux petits pois dans une même cosse. Kissinger expose la stratégie de l’ordre mondial dans son livre World Order. Il dit que la stratégie pour l’ordre mondial impliquera une stratégie cohérente établissant un concept d’ordre au sein des différentes régions et reliant ensuite ces différents ordres régionaux les uns aux autres.

C’est ainsi que Kissinger décrit le processus de mise en place d’un ordre mondial. On divise le monde en ordres régionaux, on les met en relation les uns avec les autres, on s’allie avec certains, on s’oppose à d’autres, et c’est ainsi que l’on obtient l’ordre mondial. Poutine lui-même a indiqué à de très nombreuses reprises qu’il était d’accord avec le discours mondialiste. Je voudrais vous faire écouter un extrait de son discours, qui passe évidemment par un traducteur, mais qui dit à quel point il aime l’ONU et à quel point c’est un système formidable :

« Les Nations unies ont rempli avec brio leur mission de protection de la paix, de promotion du développement durable des peuples et des continents et d’aide à l’atténuation des crises locales. L’énorme potentiel et l’expertise des Nations unies sont pertinents et constituent une base solide pour aller de l’avant. Après tout, comme toute autre organisation internationale ou entité régionale, l’ONU ne doit pas se raidir, mais évoluer conformément à la dynamique du 21e siècle et s’adapter constamment aux réalités du monde moderne, qui devient de plus en plus compliqué, multipolaire et multidimensionnel. »

Vous l’avez donc entendu parler ici d’un ordre mondial multipolaire. C’est ce qui se passe et c’est ce que nous avons identifié dans deux articles que j’ai publiés en 2014 sur Poutine.

Il fait partie de ce processus que le Council on Foreign Relations, siège de l’Etat profond aux États-Unis, préconise depuis plus d’une décennie pour nous faire évoluer vers un ordre mondial multipolaire.

Bien entendu, au moment même où l’interview Tucker Carlson-Poutine était diffusée, le Congrès américain discutait de l’envoi d’une nouvelle aide massive, 60 milliards, je crois, à l’Ukraine. Et voici Tucker et Poutine en train d’en parler.

– « L’un de nos principaux sénateurs de l’Etat de New York, Chuck Schumer, a déclaré hier, je crois, que nous devions continuer à financer l’effort ukrainien, faute de quoi des soldats et des citoyens américains pourraient se retrouver à combattre là-bas. Comment analysez-vous cela ? »

– « Il s’agit d’une provocation, et d’une provocation à bon marché. Je ne comprends pas pourquoi les soldats américains devraient se battre en Ukraine. Il y a des mercenaires américains là-bas, le 2e plus grand groupe de mercenaires. »

Je voudrais faire un commentaire à ce sujet. Poutine dit que les Américains qui se battent là-bas sont des mercenaires. En fait, un membre très proche de ma famille est allé se battre là-bas. Ce n’était pas un mercenaire. C’était un Américain d’origine ukrainienne. Il s’est battu parce qu’il pensait que la cause était juste ; il a été tué. Ce ne sont donc pas des mercenaires. Il s’agit souvent de jeunes hommes idéalistes qui veulent se battre pour une cause et qui pensent que la Russie a commis une agression contre son voisin.

 

Tucker Carlson évoque un journaliste américain en prison en Russie

Tucker a été assez dur avec Poutine au sujet du journaliste du Wall Street Journal qui est actuellement détenu en Russie à la suite d’allégations d’espionnage. Tucker a carrément plaidé pour que Poutine le libère. Poutine n’a pris aucun engagement, mais il a laissé entendre que c’était possible.

Il a également posé une question très intéressante sur l’adhésion de Poutine à l’OTAN. Poutine a répondu que Bill Clinton s’était montré ouvert à cette idée avant de faire marche arrière, ce qui est vraiment très intéressant. Bien sûr, c’est l’administration Clinton qui a dit aux Ukrainiens que nous les défendrions s’ils renonçaient à leurs armes nucléaires, pour le cas où quelqu’un déciderait d’envahir le pays.

Je voudrais terminer en évoquant brièvement ce qu’Anatoly Golitsyn a révélé dans ses livres, New Lies for Old et The Perestroika Deception, ainsi que cette stratégie mondialiste pour l’ordre mondial.

Golitsyne a révélé dans son livre qu’il existait un plan pour endormir l’Occident. Un faux effondrement du communisme où les Chinois communistes et les communistes de Russie et du bloc de l’Est travailleraient dans les coulisses pour finalement réaliser ce qu’il appelle une seconde Révolution d’octobre où le monde entier tomberait alors sous le joug du communisme.

Mais il y a aussi la question de la Troisième Guerre mondiale. L’un des plus grands pontes de l’Etat profond dans les années 1960, Lincoln Bloomfield, a rédigé un rapport pour le Département d’Etat intitulé « Le monde effectivement contrôlé par les Nations unies ». Il y affirmait que la voie la plus rapide vers un gouvernement mondial, la voie la plus rapide vers un monde effectivement contrôlé par les Nations Unies était la guerre ou la menace de la guerre.

Je pense donc que nous voyons ici tous ces éléments travailler à l’unisson. Ils ont besoin d’abattre les Etats-Unis pour pouvoir construire un véritable nouvel ordre mondial en raison des idéaux sur lesquels notre pays est fondé ; l’idée que Dieu nous a donné des droits, l’idée que le gouvernement existe pour protéger ces droits n’est pas compatible avec le nouvel ordre mondial qu’ils recherchent.

Ils pourraient donc faire d’une pierre deux coups : détruire les Etats-Unis ou au moins nous saigner à blanc en finançant des guerres à l’étranger et peut-être même en l’y laissant entraîner. Et puis il y a la guerre, qui en elle-même va promouvoir ce concept d’ordre mondial. Après la Seconde Guerre mondiale, les gens se sont mis d’accord sur les Nations unies, la Banque mondiale, le FMI et le noyau de ce qui est finalement devenu l’Union européenne.

Nous observons donc tout cela, tous ces objectifs différents dont vous n’entendez pas parler, même, hélas, par Tucker Carlson.

 

Jeanne Smits