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Archive pour septembre 2008

Femmes pour L’aimer [17]

Mercredi 17 septembre 2008

Jour 4 : Des esprits missionnaires.

Madeleine Delbrêl (1904-1964)

« Dieu est mort, vive la mort« , et la vie est absurde…

Qui aurait pu imaginer que la jeune fille de 17 ans qui lance alors comme un cri de défi cette profession de foi nihiliste, s’engagerait dix ans plus tard comme « missionnaire sans bateau » au cœur de la ville pour y vivre l’Évangile ?

Madeleine Delbrêl Madeleine Delbrêl est née en 1904 à Mussidan, en Dordogne. Elle est fille unique, très choyée, et déjà sa personnalité s’affirme, vive, impulsive, artiste. Elle mène une vie très libre et poursuit ses études de manière un peu anarchique car sa santé fragile l’oblige souvent à travailler seule à la maison. De plus, étant cheminot, son père entraîne les siens dans de multiples déplacements. Dès 13 ans, à Paris, elle fréquente avec lui des milieux littéraires agnostiques ou athées, s’adonne à la poésie, à la musique. Elle aime danser et faire la fête entre amis. Elle s’inscrit à une académie de peinture et suit des cours en Sorbonne. Il y a en elle, à cette époque, un mélange de lucidité désespérée et d’amour passionné de la vie.

A 18 ans, elle fait connaissance d’un garçon brillant, Jean Maydieu. Au bal de ses 19 ans, ils ne se quittent guère et on les voit déjà fiancés. Mais Jean a déjà entendu un autre appel et il la quitte brusquement pour rejoindre le noviciat des Dominicains. Mystérieux destins croisés… Cet éloignement soudain laissera Madeleine dans le désarroi et les questions. Cinq ans plus tard, dans une lettre à sa mère, elle écrira pourtant : « Nous aurions pu manquer tragiquement notre vie, Jean et moi. Nous étions faits pour autre chose et le réveil aurait pu être terrible ». L’un et l’autre, en effet, sont appelés à une autre vocation.

Elle est en quête de vérité. La question de Dieu la taraude, et c’est une question qui ne peut être éliminée d’un trait puisque d’autres jeunes, ses camarades, « ni plus vieux ni plus bêtes ni plus idéalistes que moi, dira-t-elle plus tard, se disent chrétiens et en vivent ». Elle cherche alors à comprendre, à rejoindre leur « réel ». Elle, dont la formation religieuse s’est bornée à un catéchisme vite rejeté, se met à lire et décide de prier. Un jour, sur ce chemin, Dieu la saisit.

De cette rencontre intime qui va bouleverser sa vie, nous ne saurons rien sinon que ce fut un éblouissement et qu’il dura toute sa vie. « Car Dieu est grand et ce n’est pas l’aimer du tout que de l’aimer petitement. » Nous sommes en 1924, elle a 20 ans et songe à entrer au Carmel. Ce n’est pas là que Dieu l’appelle, mais dans un engagement dans la cité avec les pauvres. Dans sa paroisse, elle découvre peu à peu, avec l’aide du Père Lorenzo, toute la richesse et toute la radicalité de l’Évangile. Elle se lance avec passion dans le scoutisme. Avec certaines jeunes cheftaines, elle se retrouve une fois par semaine pour lire et méditer l’Évangile. Elle prie beaucoup et se laisse conduire par l’Esprit-Saint. L’Évangile va peu à peu devenir pour elle « non seulement le livre du Seigneur vivant, mais encore le livre du Seigneur à vivre ».

Ainsi trouve-t-elle sa route qui la conduite à entamer des études d’assistante sociale et à s’installer en 1933 à Ivry, en plein quartier ouvrier, pour y vivre avec deux compagnes une vie fraternelle, une vie laïque toute semblable à celle des « gens ordinaires » mais entièrement donnée à Dieu, livrée au Christ et, pour l’amour de lui, aux autres. Ivry est une ville fortement marquée par le marxisme ; le parti communiste y est très actif. Quand elle y arrive, elle ignore tout de ce qu’elle va trouver : la grande pauvreté et la misère liées à la crise économique et sociale des années trente, ainsi qu’une déchristianisation profonde, « un mur entre la classe ouvrière et l’Église » (cardinal Suhard). Elle se sent envoyée à ce monde-là. Elle va y demeurer jusqu’à sa mort.

Elle vit la mission en proximité avec « les gens des rues », « au coude à coude avec les pauvres et les incroyants », dans la vie la plus ordinaire. Dans la cité, elle prend des engagements aux côtés des militants communistes, mais sans jamais s’inféoder à cette idéologie athée qu’elle ne peut partager. Elle noue un dialogue vrai, des relations amicales et profondes avec tous, y compris avec la municipalité, tout en gardant l’entière liberté de parole qui la caractérise. Elle mène avec eux des actions communes sans pour autant cacher sa foi et son attachement filial à l’Église. « Milieu athée, circonstance favorable à notre propre conversion », tel sera le titre de sa dernière conférence à des étudiants, quelques semaines avant sa mort.

Son expérience est précieuse pour tous ceux qui veulent alors, dans les années quarante et cinquante, s’engager pour la mission ouvrière. C’est une époque bouillonnante de recherches, débats et tâtonnements dans l’Église de France et son discernement si juste sait mesurer les enjeux de cette grande aventure apostolique. En 1952, soucieuse des menaces de division à l’intérieur de l’Église autour de la question des prêtres-ouvriers, elle fait un voyage éclair à Rome. Elle y reste douze heures qu’elle passera entièrement à prier auprès du tombeau de saint Pierre. « Rome est pour moi une sorte de sacrement du Christ-Église et il me semblait que certaines grâces ne se demandent pour l’Église et ne s’obtiennent pour elle qu’à Rome » (lettre au Père Jean Gueguen). Toute la foi de Madeleine est là, tout l’élan qui l’anime. Pendant trente ans, elle vit « aux frontières », « là où l’Évangile ne retentit pas ». La maison de la rue Raspail est toujours pleine, elle est très sollicitée et se dépense sans compter en dépit d’une santé toujours très fragile et de lourdes épreuves familiales. Elle passe des nuits à écrire des lettres, des notes, des conférences. Elle répond à des appels venus de Pologne, d’Afrique. A ce rythme, elle s’épuise et se consume. « L’amour de Dieu est une chose si dévorante, si totale, si intransigeante pour ceux qui veulent l’aimer. » Le 13 octobre 1964, on la trouve inanimée à sa table de travail. Elle allait avoir 60 ans.

Aujourd’hui, la cause de béatification de Madeleine Delbrêl est introduite à Rome. Son rayonnement est à la mesure du souffle missionnaire qui l’a habitée.

« Nous croyons que rien de nécessaire ne nous manque, car si ce nécessaire nous manquait, Dieu nous l’aurait déjà donné »

Femmes pour L’aimer [16]

Mardi 16 septembre 2008

Moment lumière.

Je rêvais d’un chemin de lumière,…
Et sur ce chemin, je rencontrais:

scout.jpg
…la Vérité, et la Vérité m’a dit

Sois vrai !

…l’intelligence, et l’intelligence m’a dit

Comprends, respecte !

…La Volonté, et la Volonté m’a dit

Donne-toi !

…La Bonté, et la Bonté m’a dit

Aide sans te lasser

…La Beauté, et la Beauté m’a dit

Recherche le Beau

…La Joie, et la joie m’a dit

Va et répands la joie !

Je m’éveillai… et je vis ce chemin

Servir,
C’est être utile,
Mais pas seulement.

Servir,
C’est se donner pleinement.
Se donner sait tu pourquoi ?

Se donner
A la vie, au temps, au vent.
A l’Homme tout entier, à l’humanité.

Se donner
Par amour ; don gratuit de soi,
Pour aimer, pour aider, pour avancer.

Servir,
Parce qu’on n’avance pas seul,
Parce qu’on a besoin de tout homme.

Servir,
Pour construire un monde meilleur,
Pour avancer toujours plus loin.

 

Servir Dieu et son prochain

Servir c’est se donner généreusement, sans compter,
Parce qu’on ne reçoit vraiment qu’en donnant.

Seigneur, je voudrais être de ceux qui risquent leur vie, qui donnent leur vie!
A quoi bon la vie, si ce n’est pour la donner ? …
Seigneur, Vous qui êtes né au hasard d’un voyage, et êtes mort comme un malfaiteur, après avoir couru, sans argent, toutes les routes: celles de l’exil, celles des pèlerinages et des prédications itinérantes, tirez-moi hors de mon égoïsme et de mon confort.
Que marqué de votre Croix, je n’aie pas peur de la vie rude!


Seigneur, rendez moi disponible pour la belle aventure où vous m’avez appelez.
J’ai à engager ma vie, Jésus, sur Votre parole.
J’ai à jouer ma vie, Jésus,
sur Votre amour.
Les autres peuvent être bien sages,
Vous m’avez dit qu’il fallait être fou.
D’autres croit à l’ordre.
Vous m’avez dit de
croire à l’Amour.
d’autres pensent qu’il faut conserver,
Vous m’avez dit de donner.
D’autres s’installent.
Vous m’avez dit de marcher et d’être prêt à la joie et à la souffrance,
aux échecs et aux réussites,
de ne pas mettre ma confiance en moi mais en Vous,
de jouer le jeu chrétien sans me soucier des conséquences,
et, finalement de risquer ma vie, en comptant sur Votre Amour.   

 CP, Prend la barre, p116

Cœur de Jésus

Lundi 15 septembre 2008

Coeur de Jésus 

Cœur de Jésus, notre chef, notre frère.
Apprenez-nous à être généreux.
Et dédaigneux d’un labeur mercenaire.
A vous servir comme on doit servir Dieu.

Apprenez-nous ce qui fait l’âme grande ;
La noble horreur de la vulgarité :
Quand à l’amour, honte à qui le marchande !
Apprenez-nous à donner sans compter.

Apprenez-nous, Maître des heures dures
A travailler sans chercher le repos.
A guerroyer sans souci des blessures
Pour soutenir l’honneur de vos drapeaux.

Apprenez-nous comment on se dépense.
Comment pour vous on s’use de son mieux.
Sans désirer aucune récompense
Que de savoir qu’on fait ce que Dieu veut.

Père Sevin

 

Message aux jeunes – JMJ 2008

Dimanche 14 septembre 2008

Message du Pape aux jeunes à l’occasion des JMJ de Sidney

Chers jeunes,

1. La XXIIIe Journée mondiale de la Jeunesse

Je me souviens toujours avec grande joie des différents moments que nous avons passés ensemble à Cologne en août 2005. À la fin de cette inoubliable manifestation de foi et d’enthousiasme, qui demeure gravée en mon esprit et en mon cœur, je vous ai donné rendez-vous pour la prochaine rencontre qui aura lieu à Sydney en 2008. Ce sera la XXIIIe Journée mondiale de la Jeunesse et elle aura pour thème: «Vous allez recevoir une force, celle du Saint-Esprit qui viendra sur vous. Alors vous serez mes témoins» (Ac 1, 8). Le fil conducteur de la préparation spirituelle pour le rendez-vous de Sydney est l’Esprit Saint et la mission. Si en 2006, nous nous sommes arrêtés pour méditer sur l’Esprit Saint comme Esprit de vérité, en 2007 nous avons cherché à découvrir plus profondément l’Esprit d’amour, pour nous acheminer ensuite vers la Journée mondiale de la Jeunesse de 2008, en réfléchissant sur l’Esprit de force et de témoignage, qui nous donne le courage de vivre l’Évangile et l’audace de le proclamer. Il est donc fondamental que chacun de vous les jeunes, dans sa communauté et avec ses éducateurs, puisse réfléchir sur le Protagoniste de l’histoire du salut qu’est l’Esprit Saint, ou Esprit de Jésus, pour parvenir aux buts élevés suivants: reconnaître la véritable identité de l’Esprit, d’abord en écoutant la Parole de Dieu dans la Révélation biblique; prendre conscience lucidement de sa présence continue, active, dans la vie de l’Église, en particulier en redécouvrant que l’Esprit Saint se présente comme “âme”, souffle vital de la vie chrétienne, grâce aux sacrements de l’initiation chrétienne – Baptême, Confirmation et Eucharistie; devenir ainsi capable de mûrir une compréhension de Jésus toujours plus approfondie et plus joyeuse, et en même temps de réaliser une mise en pratique efficace de l’Évangile à l’aube du troisième millénaire. Par ce message, je veux vous offrir une trame de méditation à approfondir durant cette année de préparation qui vous permettra de vérifier la qualité de votre foi dans l’Esprit Saint, de la retrouver si elle est perdue, de la fortifier si elle est affaiblie, de la goûter comme compagnie du Père et du Fils Jésus Christ, précisément grâce à l’action indispensable de l’Esprit Saint. N’oubliez jamais que l’Église, et même l’humanité qui vous entoure et qui vous attend dans l’avenir, compte beaucoup sur vous les jeunes, parce que vous avez en vous le don suprême du Père, l’Esprit de Jésus.

2. La promesse de l’Esprit Saint dans la Bible

L’écoute attentive de la Parole de Dieu en ce qui concerne le mystère et l’œuvre de l’Esprit Saint nous ouvre à de grandes et stimulantes connaissances, qui se résument dans les points suivants.

Peu avant son Ascension, Jésus dit à ses disciples: «Et moi, je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis» (Lc 24, 49). Cela s’est réalisé le jour de la Pentecôte, lorsqu’ils étaient réunis en prière au Cénacle avec la Vierge Marie. L’effusion de l’Esprit Saint sur l’Église naissante fut l’accomplissement d’une promesse de Dieu beaucoup plus ancienne, annoncée et préparée tout au long de l’Ancien Testament.

En effet, dès les premières pages, la Bible évoque l’esprit de Dieu comme un souffle «qui planait au-dessus des eaux» (Gn 1, 2) et précise que Dieu insuffla dans les narines de l’homme un souffle de vie (cf. Gn 2, 7), lui donnant ainsi la vie elle-même. Après le péché originel, l’esprit vivifiant de Dieu se manifestera sous différentes formes dans l’histoire des hommes, suscitant des prophètes pour inciter le peuple élu à revenir vers Dieu et à observer fidèlement ses commandements. Dans la célèbre vision du prophète Ézéchiel, Dieu fait revivre par son esprit le peuple d’Israël, représenté par des «ossements desséchés» (cf. 37, 1-14). Joël prophétise une «effusion de l’esprit» sur tout le peuple, dont nul n’est exclu: «Après cela – écrit l’Auteur sacré –, je répandrai mon esprit sur toute créature… Même sur les serviteurs et sur les servantes je répandrai mon esprit en ces jours-là» (3, 1-2).

À la «plénitude des temps» (cf. Ga 4, 4), l’ange du Seigneur annonce à la Vierge de Nazareth que l’Esprit Saint, «puissance du Très-Haut», descendra sur elle et la prendra sous son ombre. Celui qu’elle enfantera sera donc saint et appelé Fils de Dieu (cf. Lc 1, 35). Selon l’expression du prophète Isaïe, le Messie sera celui sur qui reposera l’Esprit du Seigneur (cf. 11, 1-2; 42, 1). C’est précisément cette prophétie que Jésus reprit au début de son ministère public, dans la synagogue de Nazareth: « L’Esprit du Seigneur – dit-il devant ses auditeurs étonnés – est sur moi, parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu’ils sont libres, et aux aveugles qu’ils verront la lumière, apporter aux opprimés la libération, annoncer une année de bienfaits accordée par le Seigneur» (Lc 4, 18-19; cf. Is 61, 1-2). S’adressant aux personnes présentes, il s’appliquera à lui-même ces paroles prophétiques en affirmant: «Cette parole de l’Écriture, que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit» (Lc 4, 21). Et encore, avant sa mort sur la croix, il annoncera à plusieurs reprises à ses disciples la venue de l’Esprit Saint, le “Consolateur”, dont la mission sera de lui rendre témoignage, d’assister les croyants, de les enseigner et de les conduire vers la Vérité tout entière (cf. Jn 14, 16-17. 25-26; 15, 26; 16, 13).

3. La Pentecôte, point de départ de la mission de l’Église

Au soir de sa résurrection, apparaissant à ses disciples, Jésus «répandit sur eux son souffle et il leur dit: “Recevez l’Esprit Saint”» (Jn 20, 22). Avec encore plus de force, l’Esprit Saint descendit sur les Apôtres le jour de la Pentecôte: «Soudain, il vint du ciel un bruit pareil à celui d’un violent coup de vent – lit-on dans les Actes des Apôtres – : toute la maison où ils se tenaient en fut remplie. Ils virent apparaître comme une sorte de feu qui se partageait en langues et qui se posa sur chacun d’eux» (2, 2-3).

L’Esprit Saint renouvela intérieurement les Apôtres, les revêtant d’une force qui leur donna l’audace d’annoncer sans peur: «Le Christ est mort et il est ressuscité!» Libérés de toute peur, ils commencèrent à parler avec assurance (cf. Ac 2, 29; 4, 13; 4, 29. 31). Ces pêcheurs craintifs de Galilée étaient devenus de courageux annonciateurs de l’Évangile. Même leurs ennemis ne comprenaient pas comment «des hommes quelconques et sans instruction» (Ac 4, 13) pouvaient faire preuve d’un tel courage et supporter avec joie les contrariétés, les souffrances et les persécutions. Rien ne pouvait les arrêter. À tous ceux qui cherchaient à les contraindre au silence, ils répondaient: «Quant à nous, il nous est impossible de ne pas dire ce que nous avons vu et entendu» (Ac 4,20). C’est ainsi qu’est née l’Église, qui, depuis le jour de la Pentecôte, n’a cessé de répandre la Bonne Nouvelle «jusqu’aux extrémités de la terre» (Ac 1, 8).

4. L’Esprit Saint, âme de l’Église et principe de communion

Mais pour comprendre la mission de l’Église, nous devons revenir au Cénacle où les disciples restèrent ensemble (cf. Lc 24, 49), priant avec Marie, la “Mère”, dans l’attente de l’Esprit promis. C’est de cette icône de l’Église naissante que toute communauté chrétienne doit en permanence s’inspirer. La fécondité apostolique et missionnaire n’est pas d’abord le résultat de méthodes et de programmes pastoraux savamment élaborés et “efficaces”, mais le fruit de l’incessante prière communautaire (cf. Paul VI, Exhort. apost. Evangelii nuntiandi, n. 75). En outre, l’efficacité de la mission présuppose que les communautés soient unies, à savoir qu’elles aient «un seul cœur et une seule âme» (Ac 4, 32), et qu’elles soient disposées à témoigner de l’amour et de la joie que l’Esprit Saint répand dans le cœur des fidèles (cf. Ac 2, 42). Le Serviteur de Dieu Jean-Paul II écrivait qu’avant même d’être une action, la mission de l’Église est un témoignage et un rayonnement (cf. Encycl. Redemptoris missio, n. 26). C’est ce qui se passait au début du christianisme, quand les païens, écrit Tertullien, se convertissaient en voyant l’amour qui régnait entre les chrétiens: «Voyez – disent-ils – comme ils s’aiment» (cf. Apologétique, n. 39 § 7).

En concluant ce rapide aperçu sur la Parole de Dieu dans la Bible, je vous invite à remarquer combien l’Esprit Saint est le don le plus grand que Dieu fait à l’homme, et donc le témoignage suprême de son amour pour nous, un amour qui s’exprime concrètement comme un «oui à la vie» que Dieu veut pour chacune de ses créatures. Ce «oui à la vie» prend sa forme la plus accomplie en Jésus de Nazareth et dans sa victoire sur le mal par la rédemption. À ce propos, n’oublions jamais que l’Évangile de Jésus, en raison même de l’Esprit, ne se réduit pas à une simple constatation, mais qu’il veut devenir «bonne nouvelle pour les pauvres, libération pour les prisonniers, retour à la vue pour les aveugles…». C’est ce qui s’est produit avec vigueur le jour de la Pentecôte, devenant pour l’Église une grâce et un devoir envers le monde, sa mission prioritaire.

Nous sommes les fruits de cette mission de l’Église par l’action de l’Esprit Saint. Nous portons en nous le sceau de l’amour du Père en Jésus Christ qu’est l’Esprit Saint. Ne l’oublions jamais, parce que l’Esprit du Seigneur se souvient toujours de chacun et qu’il veut, en particulier à travers vous les jeunes, susciter dans le monde le vent et le feu d’une nouvelle Pentecôte.

5 L’Esprit Saint, «Maître intérieur»

Chers jeunes, aujourd’hui encore l’Esprit Saint continue donc à agir avec puissance dans l’Église et ses fruits sont abondants dans la mesure où nous sommes disposés à nous ouvrir à sa force rénovatrice. C’est pourquoi il est important que chacun de nous Le connaisse, qu’il entre en relation avec Lui et qu’il se laisse guider par Lui. Mais à ce point, une question surgit naturellement: qui est l’Esprit Saint pour moi? Pour de nombreux chrétiens en effet, Il est encore le «grand inconnu». Voilà pourquoi, en nous préparant à la prochaine Journée mondiale de la Jeunesse, j’ai voulu vous inviter à approfondir votre connaissance personnelle de l’Esprit Saint. Dans la profession de foi, nous proclamons: «Je crois en l’Esprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie; il procède du Père et du Fils» (Symbole de Nicée-Constantinople). Oui, l’Esprit Saint, esprit d’amour du Père et du Fils, est Source de vie qui nous sanctifie, «puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné» (Rm 5, 5). Cependant il ne suffit pas de le connaître; il faut L’accueillir comme le guide de nos âmes, comme le «Maître intérieur», qui nous introduit dans le Mystère trinitaire, parce que Lui seul peut nous ouvrir à la foi et nous permettre d’en vivre chaque jour en plénitude. C’est Lui qui nous pousse vers les autres, allumant en nous le feu de l’amour, et qui nous rend missionnaires de la charité de Dieu.

Je sais bien toute l’estime et tout l’amour envers Jésus que vous, les jeunes, vous portez dans votre cœur et combien vous désirez Le rencontrer et parler avec Lui. Rappelez-vous donc que c’est précisément la présence de l’Esprit en nous qui atteste, qui constitue et qui construit notre personne sur la Personne même de Jésus crucifié et ressuscité. Devenons donc familiers de l’Esprit Saint pour l’être aussi de Jésus.

6. Les Sacrements de la Confirmation et de l’Eucharistie

Alors, me direz-vous, comment nous laisser renouveler par l’Esprit Saint et comment grandir dans notre vie spirituelle? La réponse est, vous le savez, que cela est possible par les Sacrements, car la foi naît et se fortifie grâce aux Sacrements, en particulier ceux de l’initiation chrétienne: le Baptême, la Confirmation et l’Eucharistie, qui sont complémentaires et inséparables (cf. Catéchisme de l’Église Catholique, n. 1285). Cette vérité sur les trois Sacrements qui sont à l’origine de notre être chrétien est sans doute négligée dans la vie de foi de nombreux chrétiens, pour lesquels ce sont des gestes accomplis dans le passé, sans incidence réelle sur le présent, comme des racines sans sève vitale. Il arrive qu’une fois la Confirmation reçue, des jeunes s’éloignent de la vie de foi. Il y a également des jeunes qui ne reçoivent même pas ce sacrement. C’est pourtant par les sacrements du Baptême, de la Confirmation et, de manière continuée, par l’Eucharistie, que l’Esprit Saint nous rend fils du Père, frères de Jésus, membres de son Église, capables de rendre un vrai témoignage envers l’Évangile, de goûter la joie de la foi.

Je vous invite donc à réfléchir sur ce que je vous écris. Il est particulièrement important aujourd’hui de redécouvrir le sacrement de la Confirmation et d’en retrouver la valeur pour notre croissance spirituelle. Que celui qui a reçu les sacrements du Baptême et de la Confirmation se souvienne qu’il est devenu «temple de l’Esprit»: Dieu habite en lui. Qu’il en soit toujours conscient et fasse en sorte que le trésor qui est en lui porte des fruits de sainteté. Que celui qui est baptisé, mais qui n’a pas encore reçu le sacrement de la Confirmation, se prépare à le recevoir en sachant qu’il deviendra ainsi un chrétien «accompli», parce que la Confirmation parfait la grâce baptismale (cf. CCC, nn. 1302-1304).

La Confirmation nous donne une force spéciale pour témoigner de Dieu et pour le glorifier par toute notre vie (cf. Rm 12, 1); elle nous rend intimement conscients de notre appartenance à l’Église, «Corps du Christ», dont nous sommes tous des membres vivants, solidaires les uns des autres (cf. 1 Co 12,12-25). Tout baptisé peut apporter sa contribution à l’édification de l’Église en se laissant guider par l’Esprit, grâce aux charismes qu’Il donne, car «chacun reçoit le don de manifester l’Esprit en vue du bien commun» (1 Co 12, 7). Et quand l’Esprit agit, il apporte dans l’âme ses fruits, qui sont «amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, humilité et maîtrise de soi» (Ga 5, 22). À ceux d’entre vous qui n’ont pas encore reçu le sacrement de la Confirmation, j’adresse une invitation cordiale à se préparer à l’accueillir, en demandant l’aide de leurs prêtres. C’est une occasion de grâce toute particulière que le Seigneur vous offre: ne la laissez pas passer!

Je voudrais encore ajouter une parole sur l’Eucharistie. Pour croître dans la vie chrétienne, il est nécessaire de se nourrir du Corps et du Sang du Christ: en effet, nous sommes baptisés et confirmés en vue de l’Eucharistie (cf. CCC, 1322; Exhort. apost. Sacramentum caritatis, n. 17). «Source et sommet» de la vie ecclésiale, l’Eucharistie est une «Pentecôte perpétuelle», parce que chaque fois que nous célébrons la Messe, nous recevons l’Esprit Saint, qui nous unit plus profondément au Christ et qui nous transforme en Lui. Chers jeunes, si vous participez fréquemment à la célébration eucharistique, si vous prenez un peu de votre temps pour l’adoration du Saint-Sacrement, alors, de la Source de l’amour qu’est l’Eucharistie, vous sera donnée la joyeuse détermination à consacrer votre vie à la suite de l’Évangile. Vous ferez en même temps l’expérience que là où nous ne réussissons pas par nos propres forces, l’Esprit Saint vient nous transformer, nous remplir de sa force et faire de nous des témoins remplis de l’ardeur missionnaire du Christ ressuscité.

7. La nécessité et l’urgence de la mission

Bien des jeunes regardent leur vie avec appréhension et se posent de nombreuses questions sur leur avenir. Et ils se demandent avec préoccupation: comment nous insérer dans un monde marqué par des injustices et des souffrances nombreuses et graves? Comment réagir face à l’égoïsme et à la violence qui semblent parfois l’emporter? Comment donner tout son sens à la vie? Comment faire en sorte que les fruits de l’Esprit que nous avons rappelés précédemment, «amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, humilité et maîtrise de soi» (n. 6), inondent notre monde blessé et fragile, le monde des jeunes en particulier? À quelles conditions l’Esprit vivifiant de la première création et surtout de la seconde création, ou rédemption, peut-il devenir l’âme nouvelle de l’humanité? N’oublions pas que plus le don de Dieu est grand – et celui de l’Esprit de Jésus est éminent – plus est grand le besoin du monde de le recevoir et donc grande et passionnante la mission de l’Église d’en donner un témoignage crédible. Et vous les jeunes, par la Journée mondiale de la Jeunesse, d’une certaine façon vous attestez votre volonté de participer à cette mission. À ce propos, il me tient à cœur de vous rappeler, chers amis, quelques vérités de base sur lesquelles méditer. Une fois encore, je vous répète que seul le Christ peut combler les aspirations les plus intimes du cœur de l’homme; Lui seul est capable d’humaniser l’humanité et de la conduire à sa «divinisation». Par la puissance de son Esprit, Il répand en nous la charité divine qui nous rend capables d’aimer notre prochain et prêts à nous mettre à son service. L’Esprit Saint éclaire, nous révélant le Christ mort et ressuscité; il nous indique la route pour devenir davantage semblables à Lui, à savoir pour être «expression et instrument de l’amour qui émane de lui» (Encycl. Deus caritas est, n. 33). Et celui qui se laisse guider par l’Esprit comprend que se mettre au service de l’Évangile n’est pas une option facultative, parce qu’il perçoit combien il est urgent de transmettre aussi aux autres cette Bonne Nouvelle. Cependant, il convient de le rappeler encore, nous ne pouvons être des témoins du Christ que si nous nous laissons guider par l’Esprit Saint, qui est «l’agent principal de l’évangélisation» (Evangelii nuntiandi, n. 75) et «le protagoniste de la mission» (Redemptoris missio, n. 21). Chers jeunes, comme l’ont rappelé à maintes reprises mes vénérés Prédécesseurs Paul VI et Jean-Paul II, annoncer l’Évangile et témoigner de sa foi est aujourd’hui plus que jamais nécessaire (cf. Redemptoris missio, n. 1). Certains pensent que présenter le précieux trésor de la foi aux personnes qui ne la partagent pas signifie être intolérants à leur égard, mais il n’en est pas ainsi, car proposer le Christ ne signifie pas l’imposer (cf. Evangelii nuntiandi, n. 80). D’ailleurs, cela fait deux mille ans que douze Apôtres ont donné leur vie afin que le Christ soit connu et aimé. Depuis lors, l’Évangile continue à se répandre au cours des siècles grâce à des hommes et à des femmes animés par le même zèle missionnaire. C’est pourquoi, aujourd’hui encore, des disciples du Christ n’épargnent ni leur temps, ni leur énergie pour servir l’Évangile. Il faut que des jeunes se laissent embraser par l’amour de Dieu et qu’ils répondent généreusement à son appel pressant, comme tant de jeunes bienheureux et saints l’ont fait dans le passé, mais aussi à des époques plus récentes. En particulier, je vous assure que l’Esprit de Jésus vous invite aujourd’hui, vous les jeunes, à porter la belle nouvelle de Jésus aux jeunes de votre âge. L’indéniable difficulté des adultes à rejoindre de manière compréhensible et convaincante le monde des jeunes peut être un signe par lequel l’Esprit entend vous pousser, vous les jeunes, à prendre en charge cette tâche. Vous connaissez les idéaux, les langages, ainsi que les blessures, les attentes, et le désir du bien qu’ont les jeunes de votre âge. S’ouvre à vous le vaste monde des affections, du travail, de la formation, de vos souhaits, de la souffrance des jeunes… Que chacun de vous ait le courage de promettre à l’Esprit Saint d’amener un jeune à Jésus Christ, selon le moyen qui lui semble le meilleur, en sachant «rendre compte de l’espérance qui est en lui, avec douceur» (cf. 1 P 3, 15).

Mais pour atteindre ce but, chers amis, soyez saints, soyez missionnaires, parce qu’on ne peut jamais séparer la sainteté de la mission (cf. Redemptoris missio, n. 90). N’ayez pas peur de devenir des saints missionnaires comme saint François-Xavier, qui a parcouru l’Extrême Orient en annonçant la Bonne Nouvelle jusqu’à l’extrémité des ses forces, ou comme sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, qui fut missionnaire sans avoir quitté son Carmel: l’un comme l’autre sont «Patrons des Missions». Soyez prêts à mettre en jeu votre vie pour illuminer le monde avec la vérité du Christ; pour répondre avec amour à la haine et au mépris de la vie; pour proclamer l’espérance du Christ ressuscité en tout point de la terre.

8. Invoquer une «nouvelle Pentecôte» sur le monde

Chers jeunes, je vous attends nombreux en juillet 2008 à Sydney. Ce sera une occasion providentielle de faire pleinement l’expérience de la puissance de l’Esprit Saint. Venez nombreux, pour être un signe d’espérance et un soutien précieux pour les communautés de l’Église en Australie, qui se préparent à vous accueillir. Pour les jeunes du pays qui nous accueillera, ce sera une opportunité exceptionnelle d’annoncer la beauté et la joie de l’Évangile à une société à bien des égards sécularisée. L’Australie, comme toute l’Océanie, a besoin de redécouvrir ses racines chrétiennes. Dans l’exhortation post-synodale Ecclesia in Oceania, Jean-Paul II écrivait: «Par la puissance du Saint-Esprit, l’Église en Océanie se prépare à une nouvelle évangélisation des peuples qui aujourd’hui ont soif du Christ… La première priorité pour l’Église en Océanie, c’est de procéder à une nouvelle évangélisation» (n. 18).

Je vous invite à consacrer du temps à la prière et à votre formation spirituelle en cette dernière étape du chemin qui nous conduit à la XXIIIe Journée mondiale de la Jeunesse, afin qu’à Sydney, vous puissiez renouveler les promesses de votre Baptême et de votre Confirmation. Ensemble, nous invoquerons l’Esprit Saint, demandant avec confiance à Dieu le don d’une Pentecôte renouvelée pour l’Église et pour l’humanité du troisième millénaire.

Que Marie, réunie en prière au Cénacle avec les Apôtres, vous accompagne durant ces mois et qu’elle obtienne pour tous les jeunes chrétiens une nouvelle effusion de l’Esprit Saint qui embrase vos cœurs. Rappelez-vous que l’Église a confiance en vous! Nous les Pasteurs, nous prions en particulier pour que vous aimiez et fassiez aimer Jésus toujours plus et que vous marchiez à sa suite fidèlement. Dans ces sentiments, je vous bénis tous avec une grande affection.

De Lorenzago, le 20 juillet 2007.

Pape à Paris

Samedi 13 septembre 2008

Le feu Bnx Mère Térésa a été voir le Saint-Père hier et aujourd’hui.

arrivée à ND

Déjà les photos, bientôt un album… et très prochainement les discouts de Benoît XVI en ligne !

Messe de samedi

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En union de prières avec le Très Saint Père.

Femmes pour L’aimer [15]

Mercredi 10 septembre 2008

Bienheureuse mère Teresa (1910 – 1997)

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bnx M teresa« Quand je touche les membres puants des lépreux, je sais que je touche le corps du Christ, tout comme je le reçois dans la communion sous l’apparence du pain. »

La jeune Gonxha Bojaxhiu est née le 26 Aout 1910 en Macédoine alors sous domination ottomane élevée dans une famille catholique fervente. A 18 ans elle souhaite devenir missionnaire et s’adresse donc aux religieuses de Notre Dame de Lorette dont la maison mère se trouve en Irlande à Dublin. Le régime de vie y est austère la discipline stricte. Pour se préparer à la vie missionnaire, elle suit un court d’Anglais intensif. En décembre 1928 elle part pour l’Inde à Darjiling. Les religieuses de Lorette y ont une mission et Gonxha y est admise comme postulante puis novice. Elle consacre son temps à la prière, à la vie en communauté, à l’apprentissage de l’enseignement et aussi à la rencontre des plus pauvres, dans un petit centre médical. Elle termine cet apprentissage à Calcutta ou elle doit obtenir ces diplômes. Elle s’appelle désormais Sœur Theresa, elle s’occupe de 52 enfants pauvre qui deviennent bientôt 300. Cette itinéraire exigent un grand dont de sois convient à Sœur Theresa. Elle y ajoute la visite à des familles pauvres des bidonvilles voisins les Slums de Calcutta.

Sa mère, à qui elle écrit régulièrement, lui rappelle une première obligation, celle à laquelle sa famille est restée toujours fidèle : partager. « Ne mange jamais une bouchée qui ne soit partagée. Ma chère enfant, n’oublie pas que si tu es partie pour un pays si lointain, c’est pour les pauvres. »

En septembre 1946 lors de son voyage annuel de Calcutta à Darjiling pour la retraite spirituelle de la congrégation elle perçoit soudain une nouvelle exigence : « Tandis que je priais à l’intime de moi-même et en silence, j’ai perçu très nettement un appel dans l’appel. Le message était très clair : Je devais quitter le couvent de Lorette pour me consacrer au service des pauvres, en vivant au milieu d’eux. C’était un ordre. Je percevais très clairement d’où venait cet appel. Ce que je voyais moins bien c’était la manière d’y répondre. J’ai sentie intensément que Jésus voulait que je le serve dans les pauvres, dans les abandonnés, les habitants des Slums, les marginaux, ceux qui n’ont aucun refuge. Jésus m’invitait à la servir et à le suivre dans une pauvreté réelle, en embrassant un genre de vie qui m’assimile aux nécessiteux dans lesquels il est présent, dans lesquels il souffre, dans lesquels il vie. »

En 1947, Calcutta est touché de plein fouet par la reconnaissance de l’indépendance de l’Inde : la partition du territoire Indien entre Hindous et Musulmans, et la création du Pakistan oriental (le futur Bangladesh) provoquent l’afflux de million de réfugiés qui fuient le nouvel état musulman. Dans le drame de ces années, la misère est partout le manque d’hygiène est absolu et les épidémies sont redoutable. N’avoir que les trottoirs pour maison est le lot de familles entières qui doivent trouver dans les ordures leurs nourritures.

En quittant les sœurs de Lorette, Sœur Theresa renonce, non seulement à la sécurité matérielle et à une famille spirituelle au sein de laquelle elle est heureuse, mais aussi à un apostolat qu’elle aime et qu’elle considère comme un apostolat authentique. Sa mission semble impossible si l’on considère la complexité et la multiplicité des causes de la pauvreté dans les pays pour lesquels la communauté internationale commence à utiliser le terme de tiers monde.

Consciente de ces défis, sœur Teresa passe la première journée de sa nouvelle existence à marcher, dès le matin, dans les rues de Calcutta, côtoyant les balayeurs et tous ceux qui ont dormi sur les trottoirs.

Peu à peu, elle se familiarise avec l’organisation de la vie dans les rues et  les taudis de Calcutta. Elle comprend que, pour les pauvres, un des moments de plus grande et d’absolue solitude est celui de la mort.

Quelle étrange priorité de vouloir donner un toit aux moribonds dans une ville où tant d’émigrés ne cessent d’arriver. Celle qu’on appelle désormais Mère Teresa n’a pas d’autre ambition que de prendre soin de Jésus, quelle que soit la forme humaine sous laquelle il se présente.

En 1952, elle inaugure la maison pour les mourants abandonnés, appelée Nirmal Hriday en bengali, c’est-à-dire Maison du cœur pur.

Dans la maison, ses mains généreuses  font merveilles pour laver les plaies nauséabondes, passer un vêtement propre, donner patiemment à manger, garder les mains du mourant dans les siennes aussi longtemps qu’il le faut pour le rassurer, le plus souvent sans parler, mais toujours avec le sourire.

La religion de chacun est respectée. Prier avec la personne se fait naturellement ; lorsqu’un hindou souhaite être aspergé avec de l’eau du Gange, il est immédiatement exaucé.

Au cours de ces visites de la ville, Mère Teresa a la douloureuse surprise de trouver, déposé dans une poubelle, le corps minuscule d’un nouveau né abandonné. Elle fonde alors une autre maison, le Nirmala shishu bhavan, le foyer de l’enfant abandonné.
Dans le monde entier, Mère Teresa défendra le droit de l’enfant à naître.

Tous ceux qui arrivent au foyer apprennent à vivre, à jouer et à rire. La propreté est un souci constant de Mère Teresa : elle les lave avec les gestes d’une maman. Bon nombre d’enfants sont adoptés par des familles indiennes ou européennes. Là encore, ce qui semblait impossible se réalise : des familles de haute caste acceptent d’adopter des enfants socialement intouchables, alors même que la législation en Inde crée pour l’enfant adopté une parenté en tout point égale à celle de l’enfant légitime.

Sans qu’elle le cherche, dès 1949, des jeunes femmes, le plus souvent ses anciennes élèves, viennent la rejoindre. Quitter leurs saris chatoyants et tissés de fils d’or contre un de coton, tout simple, est un premier dépouillement. Pour celles de haute caste qui se mettent au service des sans caste, il s’agit de bien autre chose ; Mère Teresa n’hésite pas à employer le mot de révolution, la plus difficile à mener à bien, «  la révolution de l’amour ». Et elles acceptent. Il faut donc un nom et une règle à cette nouvelle communauté. En ce nommant les Missionnaire de la Charité, elles expriment tout l’idéal qui avait donné à Mère Teresa la force de quitter son pays et sa famille et qu’elle possède en plénitude : la mission auprès des pauvres. Leur vie est ainsi orientée : « En faisant des vœux évangéliques, notre projet est d’apaiser l’immense soif d’amour de Jésus Christ par notre consécration gratuite au service des plus pauvre parmi les pauvres, selon l’exemple et l’enseignement de Notre Seigneur, et d’annoncer ainsi de façon  particulière le royaume de Dieu. »
La règle est acceptée à Rome en Octobre 1950.

Mère Teresa déborde d’activités : outre la maison où elle recueille les moribonds et celle consacrée aux bébés, elle en trouve une autre assez vaste pour y installer la maison mère de la congrégation. Et, dans la même rue, elle ouvre un lieu d’accueil pour les lépreux.

De nombreux évêques indiens lui demande son concours pour agir de même dans leurs diocèses. Ce sera Ranchi, Delhi, Jansi, Agra, Asansol, Ambalâ, Bombay, Patna. A partir de 1965 alors que les sœurs sont déjà 300 Mère Teresa est autorisée par Rome à fonder des communautés hors de l’Inde.

« Ce qui est important pour nous, c’est l’individu. Pour aimer une personne, il faut venir tout près d’elle. Je crois en la relation de personne à personne : chaque personne est pour moi le Christ, et comme Jésus est unique, cet personne est alors pour moi unique au monde. Je ne soigne pas des foules, je ne commencerais jamais. »

« Nous ne sommes pas des assistantes sociales. Nous voulons apporter au gens la joie et l’amour divin, Dieu lui-même qui les aiment à travers nous. Ainsi nous aimerons Dieu en le servant à travers eux. Il y a beaucoup d’organismes à s’occuper des malades. Nous ne sommes pas l’un d’eux. Nous ne sommes pas une simple aide sociale. Nous devons être plus, donner plus, nous donner nous même et, à travers notre service, donner l’amour de Dieu. »

« Ne vous bornez à donner des soins ; donnez aussi votre cœur. Le travail pour le travail, tel est le danger qui toujours nous menace. »

Elle est comblée par ce qu’elle reçoit des pauvres ; un sourire d’eux est le sourire de son Bien Aimé ; les yeux brillants de joie des enfants sont, pour elle, des diamants. Jusqu’à sa mort, à 89 ans Mère Teresa poursuit sa mission impossible sans changer ni sa manière d’être ni sa manière de faire. Elle est certaine que la pauvreté, celle vécue par Jésus partageant la condition humaine, est l’assurance de son indépendance. Libre pour aimer de tout cœur, libre pour aimer Jésus.

Femmes pour L’aimer [14]

Mercredi 10 septembre 2008

MESSAGE DU PAPE JEAN-PAUL II
À SŒUR JUANA ELIZONDO
POUR LE IV CENTENAIRE DE LA NAISSANCE
DE LA FONDATRICE DES FILLES DE LA CHARITÉ DE
SAINT-VINCENT-DE-PAUL, SAINTE LOUISE DE MARILLAC

À Sœur JUANA ELIZONDO
Supérieure générale
des Filles de la Charité
de Saint-Vincent-de-Paul

1. Le IV centenaire de la naissance de sainte Louise de Marillac donne à toute l’Église, et à la Compagnie des Filles de la Charité de Saint-Vincent-de-Paul en particulier, l’occasion de faire mémoire de cette grande figure du XVII siècle français, afin de reconnaître leur dette à son égard et de puiser dans ses enseignements la matière d’une réflexion profonde et substantielle.

À une époque de déchirements politiques qui atteignirent même sa vie familiale, Louise sut venir au secours des pauvres les plus touchés par la misère. À l’exemple de son directeur, Monsieur Vincent, elle voyait en eux ses “maîtres”. Elle ira jusqu’à donner ce conseil à l’une de ses Filles: “Pour l’amour de Dieu, ma chère Sœur, pratiquez une grande douceur envers les pauvres et tout le monde; et essayez de contenter autant de paroles que d’actions; et cela vous sera facile si vous conservez une grande estime de votre prochain; des riches, parce qu’ils sont au-dessus de vous; des pauvres, parce qu’ils sont vos maîtres”. C’est ainsi que mon prédécesseur le Pape Jean XXIII l’a proclamée patronne de toutes les personnes qui se donnent aux œuvres sociales chrétiennes.

À l’époque de leur fondation, les Filles de la Charité étaient ainsi décrites par saint Vincent de Paul: “Elles auront pour monastère la maison des pauvres malades, pour cellule une chambre de louage, pour chapelle l’église de la paroisse, pour cloître les rues de la ville ou une salle d’hôpital, pour clôture l’obéissance, pour grille la crainte de Dieu, pour voile la sainte modestie”. La vie communautaire qu’elles menaient reste un modèle pour les personnes données à Dieu aujourd’hui, et tout chrétien peut aussi s’approprier les phrases, belles et simples, qu’écrivit Louise de Marillac à ses sœurs en mission: “Si l’humilité, la simplicité et la charité qui donne le support, sont bien établies entre vous, votre petite compagnie sera composée d’autant de saintes que vous êtes de personnes. Mais il ne faut pas attendre qu’une autre que nous commence. Commençons la toute première”.

2. En se donnant à Dieu sans retour, elle s’unit de plus en plus étroitement à la volonté de son Maître: “Il nous faut être à Dieu, qui veut que nous ne voulions autre chose que ce qu’il veut”. Dans cette union intime, elle rejoignait le Christ crucifié qu’elle n’avait cessé de mettre sous les yeux de ses sœurs en leur donnant pour devise: “La charité de Jésus crucifié nous presse”. Ainsi pouvait-elle sortir victorieuse des épreuves que la vie lui faisait traverser en s’écriant, dans une admirable formule: “Souffrir et aimer, c’est une même chose”.

Vous avez, en sainte Louise, un exemple à suivre et à proposer. Loin d’avoir connu une vie facile, alors que sa naissance la mettait à l’abri de bien des préoccupations matérielles, elle a surmonté de nombreuses difficultés, à commencer par l’épreuve de la foi. Elle a connu la tristesse du veuvage et a su la transformer en offrande de sa personne à Dieu. En un mot, elle a su passer de l’anxiété à la sainteté, elle a accepté de remettre à Dieu sa vie, de trouver la sérénité et la paix de l’âme en Lui seul. Cette attitude fondamentale de l’existence chrétienne sera tout à la fois votre soutien et le critère de votre fidélité au charisme de celle qui fonda, avec saint Vincent de Paul, la Compagnie des Filles de la Charité.

3. En jetant les bases de la Compagnie, sainte Louise de Marillac donnait naissance à une nouvelle forme de vie dans l’Église, pratiquée aujourd’hui dans les sociétés de vie apostolique qui sont actives dans de nombreux champs de la mission ecclésiale. À l’époque de leur fondation, saint Vincent de Paul écrivait: “Les Filles de la Charité ne sont pas religieuses, mais des filles qui vont et viennent comme des séculiers”. Dans son désir ardent de rejoindre plus facilement les pauvres et de leur apporter un secours efficace, dans sa volonté de se faire toute à tous, sainte Louise eut à cœur de visiter, de développer et de conseiller les “charités” établies dans toute la France, et même au-delà de ses frontières, pour mettre en œuvre la puissance de l’amour et de la miséricorde. Une voie s’ouvrait à un nouvel ordre de choses dans l’Église. Des centaines d’institutions hospitalières ou enseignantes féminines allaient adopter un mode de vie analogue, au service du prochain dans le monde.

Jamais cet essor admirable n’eût été possible sans le soutien d’une prière intense. La vie spirituelle de sainte Louise se caractérise notamment par son accueil constant de l’Esprit Saint. Par une de ces intuitions qui portent en elles-mêmes la marque de leur authenticité, elle conjoint la dévotion au “oui” de l’Annonciation et la dévotion à la fête de la Pentecôte. Comme la Vierge Marie, comblée de grâce par la puissance de l’Esprit et présente aux côtés des Apôtres dès les origines de l’Église, celle a trouvé dans l’action de Dieu la source de sa force; elle a bien senti que la fidélité de la Compagnie aurait dans le “fiat” marial son modèle et son guide. Elle a su faire grandir chez les autres l’esprit de prière dans lequel elle vivait à l’exemple de Marie.

4. Renouvelez aujourd’hui le don de vous-mêmes au Seigneur! Accueillez à nouveau la grâce qu’Il fit à son Église en lui donnant sainte Louise! Puisez dans son action, dans ses écrits, les nourritures nécessaires à votre route! En cette année où, avec l’encyclique “Centesimus Annus”, j’ai appelé le peuple chrétien à porter une attention plus grande à l’enseignement social de l’Église, suivez le chemin qu’elle vous trace pour donner aux pauvres l’amour préférentiel qu’ils attendent de vous! Le service des pauvres demeure l’axe majeur de la pensée et de l’action de Louise de Marillac. Continuez à vous dépenser pour eux sans compter! Je le redis en reprenant ses propres paroles: “Continuez, je vous prie, à servir nos chers maîtres avec grande douceur, respect et cordialité, regardant toujours Dieu en eux!”. Dans la persévérance de votre fondatrice, vous avez le meilleur des exemples; dans son intercession, le plus sûr des soutiens.

Votre Compagnie peut être légitimement fière d’avoir pour protectrice une telle figure qui, en chaque pauvre, reconnaissait un membre souffrant du Christ, le Fils de Dieu qui nous a aimés et s’est livré pour nous. Ainsi, en se donnant tout entière au service des pauvres, en vivant “l’état de charité”, elle ne voulait pas s’occuper d’une forme particulière de pauvreté à l’exclusion des autres. Au contraire, son champ d’action demeurait très ouvert et c’est cela qu’elle vous invite à imiter. Par elle, le Seigneur appelle aujourd’hui encore beaucoup de jeunes femmes à tout quitter pour se rendre totalement disponibles à ces “petits” qui sont ses frères. Pour que leur cœur et leur esprit restent ouverts à toute détresse, la diversité des activités de la Compagnie doit être conservée et même développée. Avec les centres de soins ou les hôpitaux, les crèches ou les dispensaires, les écoles ou les foyers, les maisons de retraite ou les services d’entraide, sans compter bien d’autres initiatives en fonction des formes nouvelles de la pauvreté que connaît le monde actuel, vous devez rester celles par qui le Seigneur “relève le pauvre de sa misère”, celles par qui “il fait largesse, il donne au pauvre”.

5. En gardant l’élan de sainte Louise, vous rejoindrez sa spiritualité de l’action missionnaire. En effet, l’Évangile se répandra à mesure que les hommes, rétablis dans leur dignité, pourront reconnaître dans leur Créateur la source de leur vie. Il faut que l’on puisse entendre à nouveau résonner cette parole du Christ: “Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres”. En servant les pauvres, vous “quittez Dieu pour Dieu”, comme aurait dit saint Vincent de Paul, et vous le faites de multiples manières. Vous recevez et vous vivez la parole du Christ à ses Apôtres: “Les pauvres, vous les aurez toujours avec vous”. Vous recevez du Christ ces pauvres que la vie a blessés et vous avez mission de les lui amener. La Bonne Nouvelle est effectivement annoncée aux pauvres que vous secourez, dès lors qu’ils reconnaissent en votre action ce que le Christ aurait fait pour eux et qu’ils reçoivent en vérité la révélation de Dieu, lui qui nous a aimés le premier en nous donnant son Fils.

6. Cette action, évangélisatrice et caritative, vous place au cœur de l’Église d’où vous rayonnez comme un foyer brûlant d’amour. À la suite de sainte Louise de Marillac, vous collaborez étroitement avec les communautés chrétiennes des lieux où vous vivez. Le sens de l’ÉgIise qu’elle voulut transmettre à ses Filles vous aide à mener à bien vos tâches apostoliques dans l’esprit même qui l’inspirait. Vous remplissez ainsi votre rôle proprement féminin dans le Corps mystique du Christ, dans l’Église virginale et sponsale, en veillant sur la naissance, sur la vie et la mort de ses membres. L’amour des pauvres vous fait œuvrer pour l’avènement d’une société plus juste, sur tous les continents, afin que s’accomplissent les paroles du Psalmiste: “Les pauvres mangeront et seront rassasiés; ils loueront le Seigneur, ceux qui le cherchent”.

7. Dans la joie de ce quatrième centenaire, j’invoque l’Esprit de force et de sainteté sur les Filles de la Charité et sur leurs Supérieures; je demande au Christ, médecin des corps et des âmes, de venir au secours des malades, des affligés, des pauvres que l’on oublie. Comme l’avait fait sa fondatrice, je confie la Compagnie à l’intercession de la Vierge Marie et j’accorde ma Bénédiction Apostolique à ses membres et à toutes les personnes qui, de par le monde, se sont mises à l’école de sainte Louise de Marillac.

Du Vatican, le 3 juillet 1991.
IOANNES PAULUS PP. II

Femmes pour L’aimer [13]

Mardi 9 septembre 2008

Louise de Marillac (12 août 1591, 15 mars 1660)

sr Louise de Marillac

Louise de Marillac (1591-1660) a vécu toute sa vie à Paris. D’une famille auvergnate ancienne mais seulement anoblie en 1569 en la personne de son grand-père Guillaume II de Marillac (1518-1573), elle naît le 12 août 1591 dans des conditions mystérieuses. Dans un acte notarié passé trois jours plus tard, Louis Ier de Marillac (1556-1604), chevalier, seigneur de Ferrières-en-Brie et de Villiers-Adam, enseigne d’une compagnie de 50 lances des ordonnances du roi, lui octroie une rente et la nomme sa « fille naturelle ». Toutefois, il est possible qu’il n’ait fait qu’endosser cette naissance, pour éviter un scandale à l’un de ses frères. Toujours est-il que, lorsque Louis de Marillac se remarie, le 15 janvier  1595, il a sans doute déjà placé la petite Louise en pension au monastère royal Saint-Louis de Poissy. Là, les dominicaines apprennent à la jeune Louise à connaître Dieu, à lire et à écrire, à peindre, puis lui donnent une solide formation humaniste, sous la houlette de l’une de ses tantes, mère Louise de Marillac, première du nom (1556-1629). C’est très probablement à cette époque que Louise connaît la spiritualité de Catherine de Sienne qui transparaîtra plus tard dans ses écrits spirituels. 
Mais, bientôt, Louise est placée dans un foyer pour jeunes filles, à Paris, sans doute après la mort de Louis de Marillac (le 25 juillet 1604), par Michel de Marillac (1560-1632), le futur chancelier de France, qui devient son tuteur. Là, Louise apprend à tenir une maison et bénéficie du climat de réforme catholique qui embrase le Paris dévot. Elle fréquente alors les capucines du Faubourg Saint-Honoré, les « filles de la Croix », et, pensant devenir l’une d’entre elles, fait vœu de servir Dieu et son prochain.

Ancien ligueur devenu maître des requêtes, Michel de Marillac prend alors une part active à la fondation du Carmel réformé en France et fréquente assidûment le cercle Acarie. C’est là qu’il fait connaissance des pères Pierre de Bérulle (1575-1629) et Charles Bochard de Champigny (1568-1624), dit « Honoré de Paris ». Ce dernier est provincial des capucins en 1612, lorsque, tenant compte de sa faible complexion, il conseille à Louise de Marillac de ne pas se faire capucine, l’assurant que Dieu a sur elle un « autre dessein ». 
Louise est bientôt accompagnée dans son cheminement spirituel par Jean-Pierre Camus (1584-1652), évêque de Belley, grand ami de François de Sales, et neveu par alliance de Louis de Marillac. Malgré ses absences prolongées, Louise s’attachera beaucoup à cet homme de Dieu aux multiples facettes, qui terminera sa vie parmi les « Incurables ». Parmi les nombreux romans pieux que publie Mgr Camus, plusieurs ont pour but « de faire voir la jalousie de Dieu par les justes châtiments qu’Il fait sentir à ceux qui par force ou par ruse s’essaient de Lui arracher ses épouses d’entre les bras ».

Or, Michel de Marillac et son beau-frère Octavien II Doni d’Attichy (mort en 1614), d’origine florentine, voyant en Louise une nouvelle occasion de se rapprocher du pouvoir, choisissent de lui faire épouser un secrétaire des commandements de la reine mère, Marie de Médicis. C’est ainsi que, le 5 février  1613, Louise de Marillac épouse en l’église Saint-Gervais Antoine Gras (né en 1575 ou 1580), issu d’une vieille famille de Montferrand qui accèdera plus tard à la noblesse. Comme ce dernier prétend se rattacher aux nobles Le Gras dont il porte le nom et les armes plutôt que ceux de ses ancêtres, son épouse sera appelée « mademoiselle », titre alors réservé aux épouses et aux filles d’écuyers, c’est-à-dire de nobles non titrés. En octobre, la jeune femme donne prématurément naissance à un petit Michel. Mais le bonheur familial des Le Gras est de courte durée ; dès 1622, Antoine tombe gravement malade. Croyant que par cette maladie Dieu la punit de ne pas s’être donnée à Lui comme elle le lui a promis étant plus jeune, Louise connaît alors une longue période de dépression et de nuit spirituelle. 
Toutefois, le jour de la Pentecôte 1623, alors que Louise prie en l’église Saint-Nicolas des Champs, son esprit est illuminé et ses doutes se dissipent en un instant. Par le parchemin où elle relate cette “Lumière de Pentecôte” et qu’elle portera sur elle le reste de ses jours, nous savons qu’elle acquiert ce jour-là la certitude que sa place était au chevet de son mari et qu’un temps viendra où elle pourra prononcer des vœux, vivre en communauté, et trouver un nouvel accompagnateur. Justement, fin 1624 ou début 1625, elle rencontre Vincent de Paul (1581-1660) qui établit alors des confréries de Charité à la fin de ses missions qu’il prêche dans les nombreuses paroisses des Gondi et qui, avec l’aide de ces derniers, va bientôt établir la congrégation de la Mission, dite des lazaristes. Terrassé par la tuberculose, Antoine Le Gras s’éteint le 21 décembre 1625, laissant Louise et le jeune Michel dans une certaine précarité économique. Néanmoins, Louise place alors ce dernier en pension à Saint-Nicolas du Chardonnet.

De 1625 à 1629, monsieur Vincent réussit peu à peu à tourner mademoiselle Le Gras vers le salut des autres plutôt que vers sa propre piété ou son inquiétude maternelle, si bien que, dans une lettre du 6 mai 1629, il en fait solennellement sa chargée de mission auprès des dames de la Charité. Issues de la noblesse et de la bourgeoisie, ces dernières s’engagent à donner de leur temps au service corporel et spirituel des pauvres, mais certaines envoient leurs servantes ou font faire la cuisine plutôt que de la préparer elles-mêmes. Mais mademoiselle Le Gras, qui arrive généralement chargée de vêtements et de remèdes, réunit ces dames, les écoutes et les encourage à voir le Christ à travers les pauvres qu’elles servent, passe les comptes en revue et forme des maîtresses d’école pour instruire les jeunes filles. Dorénavant, la personnalité de Louise se révèle à mesure qu’elle surmonte ses infirmités physiques et ses craintes pour sillonner les paroisses afin d’y organiser ou d’y renforcer les charités. 
Pendant ce temps, Michel de Marillac, nommé garde des sceaux le 1er juin 1626, est devenu chef du parti dévot après la mort du cardinal de Bérulle (2 octobre 1629), tandis que son demi-frère Louis de Marillac (1573-1632) a été nommé maréchal de France le 3 juin 1629. Depuis le siège de La Rochelle (août 1627-octobre 1628), leur opposition à la politique du cardinal de Richelieu est patente. Cette opposition sera la cause de leur chute, lors de la fameuse journée des Dupes (11 octobre 1630). Disgraciés, le maréchal et le chancelier sont respectivement emprisonné et assigné à résidence. Accusé de malversations et jugé par un tribunal tout acquis à Richelieu, le premier sera décapité publiquement en place de Grève le 10 mai 1632. Enfermé en la forteresse de Châteaudun où il traduira le Livre de Job et commencera un Traité de la vie éternelle, le second y mourra le 7 août  1632.

Entre temps, le 5 février  1630, ayant visité la charité d’Asnières et se préparant à partir visiter celle de Saint-Cloud, Louise de Marillac veut célébrer l’anniversaire de ses noces en assistant à la messe. En recevant la communion, elle fait l’expérience du mariage mystique avec le Christ, qu’elle relate peu après par ces mots : « il me sembla que Notre Seigneur me donnait pensée de Le recevoir comme l’époux de mon âme ». Cette expérience, elle ne va pas tarder à la partager avec d’autres. Le 19 février 1630, monsieur Vincent revenant d’une mission à Suresnes, lui envoie Marguerite Naseau, une jeune vachère de ce village, qui a appris à lire pour instruire la jeunesse des environs, et qui s’offre pour le service des pauvres. Du moins Marguerite ne craindra-t-elle pas de mettre la main à la pâte. 
Ayant soigné des malades de la peste, Marguerite Naseau meurt peu après le 24 février 1633, mais déjà d’autres paysannes ont pris la relève. Le 29  novembre  1633, en accord avec monsieur Vincent, Louise les réunit sous son toit pour les former. Le 25 mars 1642, Louise et quatre des premières sœurs font vœu de s’offrir totalement au service du Christ en la personne des pauvres. Tels furent les humbles débuts de la compagnie des filles de la Charité.

Liés par une étroite collaboration et une grande amitié, Louise et monsieur Vincent répondent ensemble aux appels des plus démunis de leur temps, grâce à la nouvelle compagnie qu’ensemble ils ont établie. Éducation des enfants trouvés, secours des victimes de la guerre de Trente Ans et de la Fronde, soin des malades à domicile ou dans les hôpitaux, service des galériens et des personnes handicapées mentales, instruction des filles pauvres, participation à la création de l’hospice du Saint-Nom de Jésus et de l’hôpital général de Paris, rien n’arrête ces nouvelles sœurs non cloîtrées, ces filles « de plein vent » qui ont pour voile « la sainte humilité », « pour monastère une maison de malade, pour cellule une chambre de louage, pour cloître les rues de la ville, ou les salles des hôpitaux » et pour devise : « La charité de Jésus Crucifié nous presse ». Peu à peu, mademoiselle Le Gras envoie ou installe elle-même de nouvelles communautés partout où l’urgence s’en fait vraiment sentir : dans près de trente villes de France, et jusqu’en Pologne : Paris, Richelieu, Angers, Sedan, Nanteuil-le-Haudouin, Liancourt, Saint-Denis, Serqueux, Nantes, Fontainebleau, Montreuil/Mer, Chars, Chantilly, Montmirail, Hennebont, Brienne, Étampes, Varsovie, Bernay, Sainte-Marie du Mont, Cahors, Saint-Fargeau, Ussel, Calais, Metz et Narbonne. 
En 1657, Vincent de Paul dit que Louise de Marillac est « comme morte » depuis plus de vingt ans, mais elle s’éteint seulement le 15 mars 1660, quelques mois avant lui. Son corps, tout d’abord inhumé en l’église Saint-Laurent de Paris, repose aujourd’hui en la chapelle de l’actuelle maison-mère des filles de la Charité, au 140 rue du Bac, à Paris.

Louise de Marillac sera béatifiée le 9 mai  1920 par Benoît XV, canonisée le 11 mars  1934 par Pie XI et proclamée patronne des œuvres sociales en 1960 par le bienheureux Jean XXIII. Fille illégitime, épouse éprouvée, veuve contemplative et active, mère inquiète et grand mère sereine, enseignante et soignante, travailleuse sociale et organisatrice de la Charité, elle continue à inspirer bien des hommes et des femmes, parmi lesquels les 21 000 filles de la Charité, souvent appelées sœurs de saint Vincent de Paul, qui servent dans le monde entier, et leurs nombreux collaborateurs.

Discours d’accueil de Benoît XVI aux JMJ 2008

Dimanche 7 septembre 2008

Cher lecteurs, nous avons fait dans notre feu, et sur ce blog une grand place aux textes de Jean paul II.

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Benoit XVI

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La venue de Benoît XVI en France est l’occasion pour nous d’ouvrir une nouvelle rubrique, consacrée aux textes de notre actuel pape. C’est pourquoi nous nous faisons l’écho de ses discours aux jeunes, à commencer par ceux des JMJ de Sidney.

Chaque dimanche du mois de septembre, vous proposons de partager la richesse d’une de ses allocutions: message d’accueil, homélies, angélus, veillées…

Bonne lecture !

Et merci à Clothilde pour les textes !

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Discours d’accueil de Benoît XVI

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Chers amis,

Quelle joie de pouvoir vous saluer ici, à Barangaroo, sur le rivage de la magnifique baie de Sydney, avec son célèbre pont et le théâtre de l’Opéra. Beaucoup d’entre vous êtes de ce pays, venant de l’intérieur ou des dynamiques communautés multiculturelles des villes d’Australie. D’autres parmi vous, arrivent des îles éparpillées dans l’Océanie, d’autres encore viennent de l’Asie, du Moyen Orient, de l’Afrique et des Amériques. Un certain nombre d’entre vous, à la vérité, est arrivé d’aussi loin que moi, de l’Europe ! Quelque soit le pays dont nous provenons, nous voici finalement ici, à Sydney ! Et nous sommes présents dans ce monde qui est le nôtre comme famille de Dieu, comme disciples du Christ, confirmés par son Esprit pour être les témoins de son amour et de sa vérité devant tous.

Je désire tout d’abord remercier les Anciens des Aborigènes qui m’ont donné la bienvenue avant mon embarquement sur le bateau à la Rose Bay. Je suis profondément ému de me trouver sur votre terre, connaissant toutes les souffrances et les injustices qu’elle a supportées, mais conscient aussi du redressement et de l’espérance, actuellement en cours, dont tous les citoyens australiens peuvent être fort justement fiers. Aux jeunes indigènes (aborigènes et habitants des Îles du Détroit de Torres), et aux jeunes des Tokelau, j’exprime mes remerciements pour leur touchante manifestation de bienvenue. Par votre intermédiaire, j’adresse mes salutations cordiales à vos peuples.

Monsieur le Cardinal Pell et Monseigneur l’Archevêque Wilson : je vous remercie de vos chaleureuses paroles de bienvenue. Je sais que vos sentiments trouvent un écho dans le cœur des jeunes réunis ici, ce soir, et je vous en remercie donc tous. J’ai sous les yeux une image vibrante de l’Église universelle. La diversité des nations et des cultures dont vous provenez montre que véritablement la Bonne Nouvelle du Christ est pour tous et pour chacun ; elle a atteint les extrémités de la terre. Et cependant, je sais aussi qu’un bon nombre parmi vous est encore à la recherche d’une patrie spirituelle. Quelques-uns d’entre vous (et ils sont tout à fait les bienvenus parmi nous) ne sont pas catholiques ni chrétiens. D’autres, peut-être, se tiennent aux frontières de la vie de leur paroisse et de l’Église. Je désire leur offrir mes encouragements : approchez-vous des bras pleins d’amour du Christ ; reconnaissez en l’Église votre maison ! Personne n’est obligé de rester à l’extérieur, car depuis le jour de la Pentecôte, l’Église est une et universelle.

Ce soir, je désire aussi associer ceux qui ne sont pas présents au milieu de nous. Je pense spécialement aux malades ou aux handicapés mentaux, aux jeunes qui sont en prison, à ceux qui connaissent des situations difficiles en marge de nos sociétés et à ceux qui, pour une raison ou une autre se sentent loin de l’Église. À chacun, je dis : Jésus est proche de toi ! Fais l’expérience de son étreinte qui guérit, de sa compassion et de sa miséricorde !

Il y a presque deux mille ans, les Apôtres, réunis à l’étage de la maison, avec Marie (cf. Ac 1, 14) et avec quelques femmes fidèles, furent remplis de l’Esprit Saint (cf. Ac 2, 4). En cet instant extraordinaire, qui manifesta la naissance de l’Église, le trouble et la peur qui avaient saisi les Disciples du Christ, se sont transformées en une vigoureuse conviction, et en une prise de conscience d’un objectif. Ils se sentirent poussés à parler de leur rencontre avec Jésus ressuscité, que désormais, ils appelaient affectueusement le Seigneur. À bien des égards, les Apôtres étaient des personnes ordinaires. Aucun d’eux ne pouvait prétendre qu’il était un disciple parfait. Ils n’avaient pas su reconnaître le Christ (cf. Lc 24, 13-32), ils avaient dû rougir de leur ambition (cf. Lc 22, 24-27), ils l’avaient même renié (cf. Lc 22, 54-62). Et pourtant, quand ils furent remplis de l’Esprit Saint, ils furent transpercés par la vérité de l’Évangile du Christ et ils se sentirent poussés à le proclamer sans crainte. Rassurés, ils s’écrièrent : repentez-vous, faites-vous baptiser, recevez l’Esprit Saint (cf. Ac 2, 37-38) ! Fondée sur l’enseignement des Apôtres et y adhérant, rompant le pain et priant (cf. Ac 2, 42), la jeune communauté chrétienne se leva pour s’opposer à la perversité de la culture qui l’entourait (cf. Ac 2, 40), pour prendre soin de ses propres membres (cf. Ac 2, 44-47), pour défendre sa foi en Jésus face aux oppositions (cf. Ac, 4, 33) et pour guérir les malades (cf. Ac 5, 12-16). Et, obéissant au commandement du Christ lui-même, ils partirent, rendant témoignage à la plus grande histoire de tous les temps : que Dieu s’est fait l’un de nous, que le divin est entré dans l’histoire humaine pour la transformer, et que nous sommes appelés à nous immerger dans l’amour salvifique du Christ qui triomphe du mal et de la mort. Dans son célèbre discours à l’aréopage, saint Paul introduisit ainsi le message : Dieu donne toute chose à chacun, y compris le souffle et la vie, afin que toutes les Nations puissent le chercher, si jamais, marchant à tâtons, elles arrivent à le trouver. En effet, il n’est pas loin de chacun de nous, puisque en lui il nous est donné de vivre, de nous mouvoir, d’exister (cf. Ac 17, 25-28).

Depuis lors, des hommes et des femmes se sont mis en route pour raconter la même aventure, rendant témoignage à l’amour et à la vérité du Christ et prenant part à la mission de l’Église. Aujourd’hui, nous pensons à ces pionniers – prêtres, religieuses, religieux – qui sont arrivés sur ces rivages et dans d’autres parties du Pacifique, venant d’Irlande, de France, de Grande-Bretagne et d’autres régions d’Europe. Pour la plupart, ils étaient jeunes, quelques-uns n’avaient même pas vingt ans, et lorsqu’ils prirent congé pour toujours de leurs parents, de leurs frères et sœurs, de leurs amis, ils savaient bien qu’il leur aurait été improbable de revenir chez eux. Leurs vies furent un témoignage chrétien dépourvu de tout intérêt égoïste. Ils devinrent d’humbles mais tenaces constructeurs d’une grande partie de l’héritage social et spirituel qui, de nos jours encore, est porteur de bonté, de compassion et de finalité pour ces nations. Et ils furent capables d’inspirer une autre génération. Il nous vient immédiatement à l’esprit la foi qui a soutenu la bienheureuse Mary MacKillop dans sa forte détermination à éduquer les pauvres en particulier, et le bienheureux Peter To Rot, ferme dans sa conviction que celui qui est à la tête d’une communauté doit toujours se référer à l’Évangile. Pensez aussi à vos grands-parents et à vos parents, qui furent vos premiers maîtres dans la foi ! Eux aussi ont fait d’innombrables sacrifices de temps et d’énergie par amour pour vous. Avec le soutien des prêtres et des enseignants de votre paroisse, ils ont le devoir, pas toujours facile mais hautement gratifiant, de vous guider vers tout ce qui est bon et vrai, par leur exemple personnel, par leur manière d’enseigner et de vivre la foi chrétienne.

Aujourd’hui, c’est mon tour. Certains peuvent avoir l’impression d’être arrivés à l’extrémité du monde ! Pour les personnes de votre âge, de toute façon, chaque vol aérien est une perspective attrayante. Mais, pour moi, ce vol a été dans une certaine mesure cause d’appréhensions. Pourtant, d’en haut, la vue de notre planète fut quelque chose de vraiment magnifique. Le miroitement de la Méditerranée, la magnificence du désert nord africain, la forêt luxuriante de l’Asie, l’immensité de l’Océan Pacifique, l’horizon sur la ligne duquel le soleil se lève et se couche, la splendeur majestueuse de la beauté naturelle de l’Australie, dont j’ai pu jouir au cours des deux derniers jours ; tout cela suscite un profond sentiment de crainte révérencielle. C’est comme si nous capturions de rapides images sur l’histoire de la création racontée dans la Genèse : la lumière et les ténèbres, le soleil et la lune, les eaux, la terre et les créatures vivantes. Tout cela est « bon » aux yeux de Dieu (cf. Gn 1, 1-2, 4). Plongés dans une telle beauté, comment ne pas faire écho aux paroles du Psalmiste quand il loue le Créateur : « Qu’il est grand ton nom par toute la terre » (Ps 8, 2) ?
Mais il y a bien plus encore, quelque chose que, du ciel, il nous est difficile de percevoir : des hommes et des femmes créés rien que moins à l’image et à la ressemblance de Dieu (cf. Gn 1, 26). Au cœur de la merveille de la création, nous nous trouvons, vous et moi, la famille humaine « couronnée de gloire et d’honneur » (cf. Ps 8, 6). Quelle merveille ! Avec le psalmiste, nous murmurons : « Qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui ? » (cf. Ps 8, 5). Introduits dans le silence, pleins de reconnaissance et par la puissance de la sainteté, nous réfléchissons.

Que découvrons-nous ? Peut-être à contrecœur arrivons-nous à admettre que des plaies marquent aussi la surface de la terre : l’érosion, la déforestation, le gaspillage des ressources minérales et marines et ce, pour alimenter un besoin de consommation insatiable. Certains d’entre vous proviennent d’îles-États, dont l’existence elle-même est menacée par l’élévation du niveau des eaux ; d’autres viennent de nations qui souffrent des effets dévastateurs de la sécheresse. La merveilleuse création de Dieu est parfois vécue comme une réalité quasi hostile pour ses gardiens, et même comme quelque chose de dangereux. Comment ce qui est « bon » peut-il apparaître aussi menaçant ?

Il y a plus. Que dire de l’homme, sommet de la création de Dieu ? Chaque jour, nous touchons du doigt le génie des conquêtes humaines. Des progrès des sciences médicales et de l’application intelligente de la technologie à la créativité exprimée dans les arts, la qualité et la satisfaction de la vie des gens s’améliorent constamment de nombreuses manières. Vous êtes vous aussi sans cesse prêts à accueillir les innombrables opportunités qui vous sont offertes. Certains d’entre vous excellent dans les études, dans le sport, dans la musique ou dans la danse et le théâtre, d’autres parmi vous ont un sens aigu de la justice sociale et de l’éthique, et beaucoup d’entre vous s’engagent pour un temps de service et de volontariat. Nous tous, jeunes et vieux, nous connaissons des moments où la bonté naturelle de la personne humaine (perceptible, par exemple, à travers le geste d’un petit enfant ou l’ouverture au pardon d’un adulte) nous remplit profondément de joie et de gratitude.

Toutefois, ces moments ne durent pas longtemps. Réfléchissons donc encore. Nous découvrons que non seulement le milieu naturel, mais aussi le milieu social (l’habitat que nous nous créons nous-mêmes) a ses cicatrices ; ce sont des blessures qui montrent que quelque chose ne va pas. Là aussi dans nos vies personnelles et dans nos communautés, nous pouvons rencontrer des hostilités, parfois même dangereuses ; comme un poison qui menace de corroder ce qui est bon, de remanier ce que nous sommes et de nous détourner du but pour lequel nous avons été créés. Les exemples ne manquent pas, vous le savez bien. Parmi les plus évidents, se trouvent l’abus d’alcool et de drogue, l’exaltation de la violence et la dégradation de la sexualité, qui sont souvent présentés par la télévision et par internet comme un divertissement. Je me demande comment peut-on expliquer aux personnes qui sont réellement victimes de violences et d’abus sexuels que ces tragédies, reproduites sous forme virtuelle, doivent être considérées comme un simple « divertissement » !

Il y a aussi quelque chose de sinistre qui découle du fait que la liberté et la tolérance sont très souvent séparées de la vérité. Cela est alimenté par l’idée, largement diffusée aujourd’hui, qu’aucune vérité absolue ne peut guider nos vies. Le relativisme, en donnant une valeur quasi indistincte à toute chose, a rendu l’« expérience » plus importante que tout. En réalité, les expériences, sans tenir compte de ce qui est bon et vrai, peuvent conduire non pas à une liberté authentique, mais au contraire, à une confusion morale ou intellectuelle, à un affaiblissement des principes, à la perte de la propre estime, et même au désespoir.

Chers amis, la vie n’est pas réglée par le hasard, elle n’est pas accidentelle. Votre existence personnelle a été voulue par Dieu, bénie par Lui et il lui a été donné un but (cf. Gn 1, 28) ! La vie n’est pas une simple succession de faits et d’expériences, même si de tels événements peuvent être utiles. Elle est une recherche de ce qui est vrai, bien et beau. C’est précisément en vue de tels objectifs que nous accomplissons nos choix, que nous exerçons notre liberté et en cela, c’est-à-dire en ce qui est vrai, bien et beau, nous trouvons le bonheur et la joie. Ne vous laissez pas tromper par ceux qui voient en vous de simples consommateurs sur un marché offrants de multiples possibilités, où le choix en lui-même devient le bien, la nouveauté se fait passer pour beauté, l’expérience subjective remplace la vérité.

Le Christ offre davantage ! Bien plus, il offre tout ! Seulement Lui, qui est la Vérité, peut être le chemin et donc aussi la Vie. Ainsi, le « chemin », que les Apôtres portèrent jusqu’aux extrêmes limites de la terre, est la vie en Christ. C’est la vie de l’Église. Et l’entrée dans cette vie, dans la vie chrétienne, se fait par le Baptême.

Ce soir, je désire donc rappeler brièvement quelques aspects de notre compréhension du Baptême, avant de parler, demain, de l’Esprit Saint. Le jour de votre Baptême, Dieu vous a introduits dans sa sainteté (cf. 2 Pt 1, 4). Vous avez été adoptés comme fils et filles du Père et vous avez été incorporés en Christ. Vous êtes devenus la demeure de son Esprit (cf. 1 Co 6, 19). Le Baptême n’est pas un achèvement ni une récompense : c’est une grâce, c’est l’œuvre de Dieu. C’est pourquoi, vers la fin du rite du Baptême, le prêtre s’est tourné vers vos parents et vers les participants, et, en vous appelant par votre nom, il a dit : « Tu es devenu une créature nouvelle » (Rite du Baptême, 99).

Chers amis, chez vous, à l’école, à l’université, sur vos lieux de travail et de détente, rappelez-vous que vous êtes des créatures nouvelles ! Ne restez pas seulement pleins d’émerveillement devant le Créateur, vous réjouissant de ses œuvres, mais rappelez-vous que le fondement assuré de la solidarité humaine repose dans l’origine commune de toute personne, sommet du dessein créateur de Dieu sur le monde. En tant que chrétiens, vous vivez dans ce monde tout en sachant que Dieu a un visage humain – Jésus Christ – le « chemin » qui satisfait toute aspiration humaine, et la « vie », de laquelle nous sommes appelés à rendre témoignage, en marchant toujours dans sa lumière (cf. ibidem, 100).
Être témoin n’est pas une tâche facile. Beaucoup prétendent aujourd’hui que Dieu doit être laissé de côté et que la religion et la foi, acceptables sur le plan individuel, doivent être, ou exclues de la vie publique, ou utilisées uniquement pour poursuivre des objectifs pragmatiques limités. Cette vision sécularisée tente d’expliquer la vie humaine et de modeler la société en se référant peu ou sans se référer du tout au Créateur. Il est présenté comme une force neutre, impartiale et respectueuse de chacun. En réalité, comme toute idéologie, le sécularisme impose une vision globale. Si la présence de Dieu est insignifiante dans la vie publique, alors la société pourra être modelée d’après une image dépourvue de Dieu, et le débat et la politique concernant le bien commun seront menés davantage à la lumière des conséquences que des principes enracinés dans la vérité.

Toutefois l’expérience montre que l’éloignement du dessein de Dieu créateur provoque un désordre qui a d’inévitables répercussions sur le reste de la création (cf. Message pour la Journée Mondiale de la Paix 1990, 5). Quand Dieu est éclipsé, notre capacité de reconnaître l’ordre naturel, le but et le « bien » commence à s’évanouir. Ce qui avec ostentation a été promus comme conquête de l’intelligence humaine, s’est bien vite manifesté comme folie, avidité et exploitation égoïste. C’est ainsi que nous nous sommes rendu toujours plus compte qu’il est nécessaire d’être humbles face à la complexité délicate du monde de Dieu.

Et que dire de notre milieu social ? Sommes-nous également attentifs aux avertissements qui nous sont lancés parce que nous avons tournés le dos à la structure morale dont Dieu a doté l’humanité (cf. Message pour la Journée Mondiale de la Paix 2007,8 ) ? Savons-nous reconnaître que la dignité innée de tout individu s’appuie sur son identité la plus profonde, étant image du Créateur, et que, par conséquent, les droits humains sont universels et se basent sur la loi naturelle, et qu’ils ne dépendent ni des négociations ni de la condescendance, et bien moins encore des compromis ? C’est ainsi que nous sommes amenés à réfléchir sur la place qu’occupent dans nos sociétés les indigents, les personnes âgées, les immigrés, les sans-voix. Comment se fait-il que la violence domestique tourmenter tant de mères et d’enfants ? Comment se fait-il que l’espace humain, le plus beau et le plus sacré qu’est le sein maternel, soit devenu un lieu de violence indicible ?

Chers amis, la création de Dieu est unique et elle est bonne. Les préoccupations au sujet de la non-violence, du développement durable, de la justice et de la paix, de la protection de notre environnement sont d’une importance vitale pour l’humanité. Tout cela, cependant, ne peut être compris sans une profonde réflexion sur la dignité innée de toute vie humaine, de la conception jusqu’à la mort naturelle, dignité qui est conférée par Dieu lui-même et qui est, par conséquent, inviolable. Notre monde en a assez de l’avidité, de l’exploitation et de la division, de l’ennui des fausses idoles et des réponses partielles, ainsi que des fausses promesses. Notre cœur et notre esprit aspirent à une vision de la vie où règne l’amour, où les dons sont partagés, où l’unité se construit, où la liberté trouve sa propre signification dans la vérité, et où l’identité se trouve dans une communion respectueuse. C’est là l’œuvre de l’Esprit Saint ! C’est là l’espérance qu’offre l’Évangile de Jésus Christ ! C’est pour rendre témoignage à cette réalité que vous avez été recréés par le Baptême et affermis par les dons de l’Esprit, reçus à la Confirmation. Voilà le message que, de Sydney, vous portez au monde !

Chers jeunes francophones, poussés par le désir d’approfondir votre foi, vous êtes venus des extrémités de la terre pour vivre à Sydney l’expérience unique et communautaire d’une rencontre privilégiée avec le Seigneur. C’est l’Esprit Saint qui vous a rassemblés ici. Puisse-t-Il vous permettre de expérimenter sa présence dans votre cœur et vous pousser à rendre témoignage avec ardeur de Jésus-Christ mort et ressuscité pour vous!

Femmes pour L’aimer [12]

Samedi 6 septembre 2008

Jour 3: des modèles de Charité.

Sœur Rosalie Rendu (1786- 1856) 

soeurrosalierendu.jpg Sœur Rosalie Rendu a incarné la charité dans le Paris du XIXe siècle. Née juste avant la Révolution de 1789, c’est dans une société post-révolutionnaire déchristianisée et appauvrie qu’elle donne sa vie au service des plus pauvres. Jean-Paul II l’a béatifiée le 9 novembre 2003.

 Jeanne-Marie Rendu naît le 9 septembre 1786 à Confort, au pays de Gex, dans le Jura. Ses parents, petits propriétaires montagnards, vivent dans l’aisance et la simplicité et sont estimés dans tout le pays.

 Jeanne-Marie a trois ans lorsqu’éclate la Révolution. Dès 1790, l’adhésion par serment à la Constitution civile du clergé est imposée. La maison de la famille Rendu devient un refuge pour les prêtres réfractaires. Jeanne-Marie grandit dans ce contexte de foi chrétienne, sans cesse exposée au danger de la dénonciation. Elle fait même sa première communion une nuit, au fond d’une cave. Ce climat d’héroïque piété forge son caractère : elle devient une jeune fille vive, espiègle, droite et volontaire.

 En 1796, la famille est bouleversée par le décès du père et de la dernière petite sœur, âgée de quatre mois. C’est l’aînée qui va aider la mère à élever ses trois sœurs. Au lendemain de la Terreur, les esprits s’apaisent et la vie reprend. Madame Rendu envoie Jeanne-Marie étudier au pensionnat des sœurs Ursulines, à Gex. Au cours d’une promenade, elle découvre un hôpital où les Filles de la Charité s’occupent des malades et des pauvres. Elle y effectue un stage à la fin duquel elle exprime le grand désir de devenir elle aussi Fille de la Charité.

 Le 25 mai 1802, Jeanne-Marie a 16 ans. Elle entre déjà au noviciat de la maison mère des Filles de la Charité, rue du Vieux  Colombier à Paris. Mais sa santé est fragile et son zèle à vouloir répondre aux exigences de sa nouvelle vie la détériore. Elle est donc envoyée dans la petite communauté de la rue des Franc-bourgeois qui sera transférée plus tard rue de l’Epée-de-Bois, dans le quartier Mouffetard. Là, elle reçoit le nom de Rosalie, pour la distinguer d’une autre religieuse qui porte le même prénom qu’elle. Elle y restera cinquante-quatre ans au cours desquels elle ne tendra que vers un but : « Traquer la misère pour rendre à l’homme sa dignité. »

 En ce début du XIXe siècle, le quartier Mouffetard est le plus misérable d’une capitale en pleine expansion. Les pauvres s’y entassent, victimes de la misère et de tous les vices : taudis insalubres, maladies, détresse du chômage, vols, alcoolisme… Sœur Rosalie y fait son apprentissage, accompagnant les sœurs dans la visite des pauvres et des malades. Elle enseigne déjà le catéchisme et la lecture aux petites filles accueillies à l’école gratuite. Elle prononce ses vœux en 1807, entourée de sa communauté.

En 1815, lors de l’occupation étrangère de Paris, après la chute de Napoléon, sœur Rosalie est nommée Supérieure de sa petite communauté du Ve arrondissement. Sa soif d’action, son dévouement, son autorité naturelle, son humilité, sa compassion et ses capacités d’organisation se révèlent dans sa lutte contre la misère. Les ravages du libéralisme économique de l’époque accentuent le nombre et la misère de « ses pauvres », comme elle les appelle. Ses sœurs sont envoyées dans tous les recoins de la paroisse Saint-Médard, pour apporter vivres, vêtements, soins, ou paroles réconfortantes. Pour venir en aide à tous ceux qui souffrent, elle ouvre une pharmacie, une école, un dispensaire, un orphelinat, une crèche, un patronage pour les jeunes ouvrières, une maison pour les vieillards sans ressources… Son exemple stimule ses sœurs à qui elle répète souvent : « Une fille de la Charité est comme une borne sur laquelle tous ceux qui sont fatigués ont le droit de déposer leur fardeau. » Elle est sévère sur la manière dont les sœurs reçoivent les pauvres : « Ils sont nos seigneurs et nos maîtres ! » On l’appelle « l’ange du quartier » et « la mère de toute les mères. »

Elle incite ses sœurs à prendre le temps de l’oraison avant les visites aux pauvres. La maison des malades est son monastère, les murs de la ville et les salles d’hôpitaux, son cloître. Sa foi, ferme comme un roc, lui révèle Jésus Christ en toute circonstance : « Jamais je ne fais si bien l’oraison que dans la rue », dit-elle. Sa vie de prière est intense. Plus que l’action, le plus précieux à ses yeux est de sauver les âmes. Elle instruit, catéchise, évangélise particulièrement les malades et les mourants. Elle élève les âmes vers des réalités surnaturelles par la prière et la réception des sacrements. Dans ce quartier où Dieu est souvent méconnu, personne ne repousse le prêtre envoyé par sœur Rosalie. Ses supérieures lui confient les postulantes et les jeunes sœurs, pour les former. Un jour, elle donne à une de ses sœurs en difficulté ce conseil qui était le secret de sa vie :

« Si vous voulez que quelqu’un vous aime, aimez d’abord en premier ; et si vous n’avez rien à donner, donnez-vous vous-même. »

 Sa renommée se répand dans tous les quartiers de la capitale et au-delà, dans les villes de province. Les particuliers, les associations, les ordres religieux, l’Église, l’État : tout le monde s’adresse à elle ! Elle finit par entraîner la charité publique et privée dans la lutte contre la pauvreté. Les dons affluent vite, car les riches ne savent pas résister à cette femme si persuasive. Les souverains qui se succèdent à la tête du pays ne l’oublient pas dans leurs libéralités. Les riches comme les pauvres viennent dans son parloir. Ils viennent trouver auprès d’elle du soutien, des conseils, ou encore « une bonne œuvre » à accomplir. Sœur Rosalie accueille des personnalités éminentes telles que l’ambassadeur d’Espagne, Donoso Cortés, Charles X, le général Cavaignac, des écrivains et des hommes politiques, des évêques, et même l’empereur Napoléon III et sa femme. Pleine de compassion, de délicatesse et de clairvoyance, d’une autorité quasi maternelle, elle se montre franche dans ses paroles, avec un brin de sévérité s’il le faut.

 Les étudiants de tous les horizons viennent frapper à sa porte ou à sa modeste « Banque de la Providence ». Parmi eux, elle inspire, oriente et appuie les projets du cofondateur de la Conférence de Saint-Vincent-de-Paul, le bienheureux Frédéric Ozanam, et le vénérable Jean-Léon Le Prévost, futur fondateur des Religieux de Saint-Vincent-de-Paul. Elle a été au centre du déploiement d’un réseau de charité qui caractérisa Paris et la France dans la première moitié du XIXe siècle.

Durant la Révolution de 1830 et 1848, les émeutiers élèvent des barricades. Des luttes sanglantes opposent le pouvoir à une classe ouvrière déchaînée. Sans crainte de perdre sa vie, cette dame en cornette blanche monte sur les barricades et s’interpose entre les belligérants. Elle parcourt les rues, parlemente avec les insurgés, secourt les blessés, protège les réfugiés. Sœur Rosalie clame : « On ne tue pas ici ! » Comme jadis ses parents, elle donne asile à l’archevêque.

La guerre civile terminée, une épidémie de choléra fait des centaines de victimes par jour, à Paris. Courant tous les risques, sœur Rosalie va jusqu’à ramasser elle-même les corps abandonnés dans les rues. Avec ingéniosité et courage, et grâce au dévouement des Filles de la Charité, elle organise les secours.
En 1852, Napoléon III décide de lui remettre la Croix de la Légion d’honneur qu’elle reçoit très humblement, mais qu’elle ne portera jamais. De santé fragile, sœur Rosalie surmonte fatigues et fièvres. Mais l’absence de repos, l’âge, et l’accumulation des tâches finissent par venir à bout de sa résistance et de sa volonté. Durant les deux dernières années de sa vie, elle devient progressivement aveugle.

 Elle meurt le 7 février 1856, après une courte maladie. Ses obsèques sont célébrées à l’église Saint-Médard. Une foule immense suit sa dépouille jusqu’au cimetière Montparnasse, manifestant ainsi son admiration pour l’œuvre accomplie par cette sœur hors du commun. Un hommage discret mais visible encore aujourd’hui est rendu à ce témoin de la miséricorde de Dieu. Sur sa tombe il est gravé : « À la bonne mère Rosalie, ses amis reconnaissants, les pauvres et les riches ».

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