Les stratèges communistes chinois avouent utiliser TikTok pour endoctriner et influencer les jeunes

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Le sujet n’est pas nouveau et les articles pour rendre compte de la mainmise chinoise sur le réseau social TikTok circulent largement dans les médias de tous ordres. Seulement, jusque-là, les preuves manquaient de cet engagement réel du gouvernement de Pékin à vouloir influer concrètement les près de deux milliards d’utilisateurs mondiaux de son réseau, en ligne dans 155 pays. Peter Schweizer a rassemblé, à ce titre, de précieux documents dans son tout nouveau livre Blood Money: Why the Powerful Turn a Blind Eye While China Kills Americans. Ils confirment que les communistes chinois, après s’en être soigneusement prémunis sur leur propre sol, exploitent bel et bien le réseau populaire créé par eux pour l’étranger. Et si l’analyse et l’usage des données font évidemment partie de leurs intérêts, comme dans tous les réseaux sociaux, le fait de pouvoir façonner et formater les esprits prime très visiblement sur tout le reste : la séduction des jeunes est donc le premier objectif.

C’est par ce nouveau « soft power » qu’on fait la guerre aux jeunes générations. Corrompre en amusant, ça vaut mieux que tous les goulags. Ainsi, les cobayes préfèrent rester aveugles…

 

L’espace cognitif : un nouveau théâtre d’opérations

Comme on l’a déjà expliqué ici, TikTok est géré par la société ByteDance, qui est liée au complexe militaro-renseignement-industriel du Parti communiste chinois. C’est une seconde version du réseau Douyin, spécifiquement conçue pour s’implanter à l’international : détachée de la censure communiste, elle affiche ainsi un profil et un contenu nettement différents, soucieux de séduire un public occidental – mais demeure, en revanche, interdite aux enfants du pays. Si TikTok peut générer 12 milliards de dollars sur les marchés occidentaux, ces derniers font chou blanc dans l’empire du Milieu…

« Séduire ? » Oui. Mais pas seulement pour un gain lucratif. Dans les journaux à accès restreint épluchés par Peter Schweizer, contributeur principal de Breitbart News et président du Government Accountability Institute, les déclarations de hauts stratèges et professeurs chinois reconnus pullulent pour reconnaître l’existence d’une guerre d’un type nouveau, « une guerre mentale fondée sur l’information ».

Zeng Huafeng, stratège chinois de l’Université nationale de technologie de défense (NUDT), y montre en particulier comment vaincre les Etats-Unis sans tirer un seul coup de feu, en étant « mentalement plus forts ». Zeng, nous rapporte une journaliste de Breitbart News, définit « l’espace cognitif » comme « la zone dans laquelle existent les sentiments, la perception, la compréhension, les croyances et les valeurs » et soutient que c’est là que la bataille peut être gagnée. A cette fin, Pékin doit utiliser « l’information et les produits spirituels et culturels populaires comme des armes pour influencer la psychologie, la volonté, l’attitude, le comportement des gens et même changer l’idéologie, les valeurs, les traditions culturelles et les systèmes sociaux ». Selon Zeng, ces outils culturels, notamment les applications, les jeux vidéo et les films, devraient être utilisés pour « cibler des individus, des groupes, des pays et même des gens du monde entier ».

« Le but ultime est de manipuler les valeurs d’un pays et d’atteindre des objectifs stratégiques sans véritable bataille militaire ouverte », écrit-elle.

 

TikTok pour les jeunes : « Hide a Dagger in a Smile » (cacher un poignard dans un sourire)

Et TikTok, au flux constant, addictif et abêtissant de vidéos courtes, est une arme de pointe, déclarée comme telle. Pour le colonel Dai Xu, professeur à la plus haute académie militaire de Chine, l’Université de défense nationale de l’Armée populaire de libération, c’est un véritable « cheval de Troie des temps modernes ». Parce qu’il est dirigé vers les personnes les plus impressionnables, à savoir les jeunes, et qu’il s’appuie sur le divertissement mêlé à l’émotionnel. De quoi faire passer un nombre infini de « messages inconscients », tout en douceur, comme l’écrivent les stratèges du PCC dans Chinese Disinformation Efforts on Social Media.

Le directeur-adjoint du département de la propagande, Peng Zhen-gang, l’a affirmé clairement, et par écrit : « Le divertissement est la principale motivation de la consommation de contenu de la génération Z. » Le PCC doit donc « explorer des stratégies et des voies de communication efficaces, [et] améliorer la capacité à établir des programmes ». Et l’incitation émotionnelle pouvant davantage affecter l’opinion publique que les faits et la vérité, le contrôle du contenu devient nécessairement de plus en plus important…

« En ce qui concerne le public occidental, nous devons filtrer consciencieusement le contenu de la communication, en trouvant davantage de points de résonance et de terrain d’entente… même dans le cas d’une propagande positive, nous devons également savoir “adoucir” le contenu. (…) Nous devrions adopter des méthodes ouvertes et émotionnelles », écrit un certain Xu Sen dans Communicating Our Military’s Advanced Military Culture to the World.

Les propagandistes chinois ont même noté que la propagande était plus puissante pour les jeunes Occidentaux lorsqu’elle provenait de plusieurs sources plutôt que d’une seule. Obtenir « des voix multiples dans une communication chorale, où le sujet chante sa propre mélodie », en ayant l’illusion d’une pensée indépendante, tel pourrait bien être le destin des Tiktokeurs. Sauf que l’objectif de ce chœur, à long terme, n’est pas d’aller à contre-courant des « valeurs » du Parti Communiste.

En somme, rien n’a changé depuis Mao, Xi Jinping s’est juste adapté à un monde nouveau : le contrôle demeure le maître-mot. Pour Peter Schweizer, TikTok pourrait même devenir un moyen d’influencer les élections aux Etats-Unis et dans le monde, via l’analyse des mégadonnées, les processus d’IA, les robots et l’astroturfing.

 

Les communistes chinois manipulent pour contrôler

Et pourtant, la réaction tarde à se mettre en place, bien que des enquêtes et des analyses poussées voient le jour. De nombreux pays ont restreint l’usage de l’application dans les domaines militaires, administratifs ou politiques. Le 19 février, Bruxelles a même annoncé une enquête visant le réseau social TikTok pour des manquements présumés « en matière de protection des mineurs ». Mais quant à l’interdire, l’affaire est plus complexe. Quelles en seraient les raisons dans un Internet libéré où tout peut être vu, ou presque ? Meta traîne bien ses casseroles de réseaux pédophiles

En mars 2023, le président de TikTok, Shou Zi Chew, est venu lui-même au Congrès américain, afin d’en rassurer les membres. Et quelques mois plus tard, c’était au vice-président des relations gouvernementales et des politiques publiques de TikTok pour l’Europe de faire paraître un plaidoyer de défense arguant que, non, non, la Chine n’influençait pas le contenu de TikTok…

Seulement, ce n’est pas pour rien que le pays communiste a jeté les bases depuis trois décennies pour se positionner comme la première superpuissance mondiale en sciences et technologies. Il s’agit d’une planification politique à long terme, comme l’ont souligné à plusieurs reprises le président Xi Jinping et ses prédécesseurs. Les réseaux sociaux et en particulier TikTok que les stratèges ont qualifié d’« atout de sécurité nationale » font partie de cet immense nouveau terrain de jeux.

 

Clémentine Jallais