Manouchian au Panthéon : Macron et la République sacralisent le communisme

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Accueillant au Panthéon Missak Manouchian, apatride venu de la région d’Alexandrette via le Liban s’installer à Paris et y combattre l’armée allemande sur l’ordre de Staline pendant la Seconde Guerre mondiale, Emmanuel Macron s’est livré à un étrange exercice politique au moment où l’extrême gauche lui reprochait de pencher à droite : il a mis les ors et la pompe de la République au service du communisme international, sans la moindre ambiguïté, dans un discours dont le lyrisme échevelé ne masque nullement de contenu idéologique, au contraire. Ce fut une ahurissante déclaration d’amour au plus long et plus létal totalitarisme de l’histoire (qui asservit et tue encore aujourd’hui en Chine et dans une bonne partie de l’Asie), alors même qu’il vient de signer avec le président Zelensky un accord de sécurité contre un Vladimir Poutine qui se réclame lui aussi du mythe stalinien de la grande guerre patriotique. Et alors même qu’Emmanuel Macron est venu accueillir le pape à Marseille l’an dernier : or il s’agit bien du communisme au cent millions de morts, du communisme déclaré officiellement par l’Eglise « intrinsèquement pervers ». On se serait cru au lendemain de la mort de Staline, quand toute la Nomenklatura française, intellectuels, artistes, politiques, célébrait d’un seul chœur la mémoire du dictateur. On garde de cette soirée au Panthéon l’impression d’une délirante régression dans le temps.

 

L’orphelin Manouchian séduit par le communisme révolutionnaire

Né le premier septembre 1906 à Adiyaman dans l’empire ottoman, le petit Missak Manouchian est d’abord, avec sa communauté, l’arménienne, et sa famille, victime des persécutions des jeunes Turcs à la fin de la guerre. Orphelin, recueilli à Jounieh dans la zone maronite du Liban, il y apprend les rudiments du français et immigre en France à dix-huit ans, en 1924, d’abord à Marseille, puis à Paris, objet de tous ses fantasmes selon son épouse, Mélinée, « centre de la culture de l’humanité tout entière, capitale de la Révolution, lieu où le peuple se fait le plus entendre, le monde entier étant à son écoute. Il se répétait les noms de Marat, Robespierre, Danton, Saint-Just, les grands Encyclopédistes qui avaient été les prophètes et les artisans de la grande Révolution ». C’est là qu’il se laissera séduire par le communisme international au début des années 30 avant de sauter le pas définitivement en 1934. En 1935, il devient cadre de l’Internationale communiste et rédacteur en chef du journal communiste arménien Zangou.

 

Quand la République condamnait le communisme fraternisant avec le nazisme

Il fera deux demandes de naturalisation qui seront rejetées précisément à cause de son appartenance à un parti communiste qui est à la fois une menace pour la paix sociale et pour l’armée française, alors que l’Allemagne nationale-socialiste devient un danger. En août 1939, Berlin signe avec Moscou un pacte de non-agression qui va permettre le partage de la Pologne entre les deux dictatures et provoquer la Seconde Guerre mondiale. Le parti communiste français, obéissant aux ordres du communisme international dont Staline est le patron, s’oppose à l’effort de guerre français, sabote les fabrications d’armement et fait de la propagande défaitiste. Il est interdit par le gouvernement de gauche dirigé par Daladier. Son secrétaire général, Maurice Thorez, déserte à l’automne et fuit en Russie. Après la défaite française de 1940, le parti communiste donne des consignes de fraternisation avec l’armée allemande, et le journal l’Humanité demande aux occupants l’autorisation de paraître, qui ne lui est finalement pas accordée. Pendant que les premiers réseaux de résistance s’organisent (un Honoré d’Estienne d’Orves, envoyé de Londres en 1940, est arrêté par les Allemands en janvier 1941) le communisme français suit fidèlement les consignes de paix avec l’occupant.

 

De l’histoire à la propagande de Macron au Panthéon

Tout change en juin 1941 quand l’armée allemande envahit l’URSS avec l’opération Barbarossa : le chef du communisme international Staline donne l’ordre au PCF de combattre par tous les moyens Hitler qui le menace. Alors le communisme qui est en France met en branle toute son organisation clandestine. Missak Manouchian est intégré à la MOI, main d’œuvre immigrée, qui en fait partie. On ne sait pas grand-chose de son activité jusqu’en février 1943 où il rejoint les FTP (francs-tireurs partisans communistes) MOI. Il tue au service du communisme international, crédité de trente opérations entre août et novembre 1943, où, dénoncé par ses amis communistes selon sa femme Mélinée, il est arrêté, torturé, et fusillé par les Allemands le 21 février 1944. Voilà l’histoire, va commencer la légende, la propagande. D’abord celle de l’armée d’occupation, qui en fait un abominable « chef de bande ». Puis celle du communisme international que relaye aujourd’hui Emmanuel Macron au Panthéon.

 

Manouchian entre idéal communiste et stratégie stalinienne

Dans le long panégyrique que le président de la République a consacré à ce « poète » devenu « soldat de l’ombre », ne retenons que ce qui se trouve lié directement au communisme : « Missak Manouchian embrasse l’idéal communiste, convaincu que jamais en France, on n’a pu impunément séparer République et Révolution. (…) Il rêve d’émancipation universelle pour les damnés de la terre. Et c’est ainsi que Missak Manouchian s’engage contre le fascisme au sein de l’Internationale communiste. » Un engagement qui le mènera d’abord à relayer dans son journal de « poète » la propagande stalinienne au moment des procès de Moscou, puis à tuer froidement dans le dos, au mépris des lois de la guerre. Ce qui donne ceci dans la bouche de Macron : « Lui qui aime aimer se résout à tuer, comme ce jour de mars 1943 où il lance une grenade dans les rangs d’un détachement allemand. » Ce ne sera pas son seul meurtre. Il suivra fidèlement le schéma stratégique arrêté par les Soviétiques : multiplier les attentats pour entraîner des représailles de l’armée allemande, afin de dresser contre elle les populations et les gagner au communisme.

 

Macron, Manouchian, Aragon et le Guépéou

Voilà la réalité qui se trouve transformée par le discours halluciné de Macron en éloge de ceux qui « désormais sont reconnus comme morts pour la France. (…) Missak Manouchian, vous entrez ici toujours ivre de vos rêves, l’Arménie délivrée du chagrin, l’Europe fraternelle, l’idéal communiste, la justice, la dignité, l’humanité. Rêve français, rêve universel ». Dans son élan pompeux, le président de la République a cité le poète (communiste) Louis Aragon évoquant les « Français de préférence, Français d’espérance ». Dommage qu’il n’ait pas cité plutôt son hymne au Guépéou dont voici les premiers vers :

« Il s’agit de préparer le procès monstre
D’un monde monstrueux
Aiguisez demain sur la pierre
Préparez les conseils d’ouvriers et soldats
Constituez le tribunal révolutionnaire
J’appelle la Terreur du fond de mes poumons
Je chante le Guépéou qui se forme
En France à l’heure qu’il est
Je chante le Guépéou nécessaire de France

Je chante les Guépéous de nulle part et de partout
Je demande un Guépéou pour préparer la fin d’un monde
Demandez un Guépéou pour préparer la fin d’un monde… »

 

Pardon à toutes les victimes du communisme

Cela aurait donné plus de relief encore à l’éloge que la République a fait par la bouche d’Emmanuel Macron aux compagnons de Missak Manouchian honorés en même temps que lui au Panthéon, dont les « communistes qui ne connaissent rien d’autres que la fraternité humaine ». La fraternité humaine ! La longue file des victimes du communisme, du Goulag, des Lao Gai, des camps Vietminh et Khmers rouge, de la Tchéka, du Guépéou, du NKVD, du KGB, de toutes les polices et armées rouges, des famines organisées, de l’Holodomor, des révolutions culturelles, du massacre et des persécutions des croyants, de la mise à mort par le servage et les travaux forcés, etc., etc., remercieront sûrement le président de la République française, patrie revendiquée des droits de l’homme, pour cet hymne au communisme. Et admireront que l’ensemble des médias et partis politiques français, tétanisés, le petit doigt sur la couture du pantalon, ait écouté sans broncher cette ignoble trahison de la France, de l’esprit humain, de la misère humaine et de la vérité. Les panégyriques d’aujourd’hui sont les repentirs de demain.

 

Pauline Mille