Méditation avec Le Traité de l'Amour de Dieu de St François de Sales
7 mai
CHAPITRE XII
Que les attraits divins nous laissent en pleine liberté de les suivre ou les repousser
Et pour nous donner le mouvement de son pouvoir, sans empêcher celui de notre vouloir, ajustant sa puissance à sa suavité : en telle sorte que, comme en ce qui regarde le bien, sa puissance nous donne suavement le pouvoir, aussi sa suavité maintient puissamment la liberté de notre vouloir. Si tu savais le don de Dieu, dit le Sauveur à la Samaritaine, et qui est celui qui te dit: Donne moi à boire; toi-même peut-être lui eusses demande, et il teût donné de l'eau vive.
Voyez de grâce, Théotime, le trait du Sauveur, quand il parle de ses attraits. Si tu savais, veut-il dire, le don de Dieu, sans doute tu serais émue et attirée à demander l'eau de la vie éternelle, et peut-être que tu la demanderais; comme s'il disait :
tu aurais le pouvoir, et serais provoquée à demander, et néanmoins, tu ne serais pas forcée, ni nécessitée ; ains seulement peut-être tu la demanderais, car ta liberté te demeurerait pour la demander, ou ne la demander pas. Telles sont les paroles du Sauveur, selon l'édition ordinaire et selon la leçon de saint Augustin sur saint Jean.
En somme, si quelqu'un disait que notre franc-arbitre ne coopère pas, consentant à la grâce dont Dieu le prévient, ou qu'il ne peut pas rejeter la grâce, et lui refuser son consentement, il contredirait à toute l'Écriture, à tous les anciens Pères, à l'expérience, et serait excommunié par le sacré concile de Trente.
Mais quand il est dit quo nous pouvons rejeter l'inspiration céleste et les attraits divins, on n'entend pas certes qu'on puisse empêcher Dieu de nous inspirer, ni de jeter ses attraits en nos coeurs: car comme j'ai déjà dit, cela se fait en nous, et sans nous: ce sont des faveurs que Dieu nous fait, avant que nous y ayons pensé.
Il nous éveille lorsque nous dormons, et par conséquent nous nous trouvons éveillés avant qu'y avoir pensé; mais il est en nous de nous lever, ou de ne nous lever pas; et bien qu'il nous ait éveillés sans nous, il ne nous veut pas lever sans nous. Or, c'est résister au réveil, que de ne point se lever et se rendormir, puisqu'on ne nous réveille que pour nous faire lever.
Nous ne pouvons pas empêcher que l'inspiration ne nous pousse, et par conséquent ne nous ébranle; mais si, à mesure qu'eile nous pousse, nous la repoussons, pour ne point nous laisser aller à son mouvement, alors nous résistons.
Ainsi, le vent ayant saisi et enlevé nos oiseaux apodes, ils ne les portera guère loin, s'ils n'étendent leurs ailes et ne coopèrent, se guindant (se portant en haut) et volant en l'air auquel ils ont été lancés. Que si au contraire, amorcés peut-être de quelque verdure qu'ils voient en bas, ou engourdis d'avoir croupi en terre, au lieu de seconder le vent, ils tiennent leurs ailes pliées, et se jettent derechef en bas, ils ont voirement (à la vérité) reçu en effet le mouvement du vent, mais en vain, puisqu'ils ne s'en sont pas prévalus.
Théotime, les inspirations nous préviennent, et avant que nous y ayons pensé, elles se font sentir; mais après que nous les avons senties, c'est à nous d'y consentir, pour les seconder et suivre leurs attraits, on de dissentir, et les repousser. Elles se font sentir à nous sans nous, mais elle ne nous font point consentir sans nous.